Quand l’arche s’arrêta, du linceul gris des ondes
S’éleva lentement la terre d’aujourd’hui ;
Mais Dieu la divisa cette fois en deux mondes,
Une moitié pour nous, l’autre moitié pour lui.
Il nous livra l’Europe et l’Asie et l’Afrique,
Du Nil au Borysthène et de Marseille à Tyr ;
Mais il se réserva la féconde Amérique,
Voulant y voir son œuvre en...
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PROLOGUEQue je puisse à mon gré peupler un panthéon
Des plus grands immortels nés de la race humaine !
J’aime la grâce attique et la force romaine,
Je porterai Lucrèce à droite de Platon.Ces hommes, l’âme haute et la tête baissée,
Scrutent d’un œil puissant deux infinis divers :
Lucrèce dans l’atome abîme l’univers,
Platon dans l’... -
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Si je vous dis, ce soir, en respirant ces roses
Qui ressemblent au sang que l’on répand pour lui :
L’Amour est là dans l’ombre et son pied nu se pose
Sur le rivage obscur du fleuve de la nuit.Si je vous dis : l’Amour est ivre et taciturne
Et son geste ambigu nous trompe, car souvent
Il écrase une grappe au bord rougi de l’urne
Dont il verse... -
Et j’ai dit dans mon cœur : Que faire de la vie ?
Irai-je encor, suivant ceux qui m’ont devancé,
Comme l’agneau qui passe où sa mère a passé,
Imiter des mortels l’immortelle folie ?L’un cherche sur les mers les trésors de Memnom,
Et la vague engloutit ses vœux et son navire ;
Dans le sein de la gloire où son génie aspire,
L... -
Certes, chacun le sait, la froide indifférence,
De son souffle glacé flétrit tout aujourd’hui ;
Le cœur reste insensible à la peine d’autrui ;
Et ce siècle d’essais, de lutte et de souffrance,
N’a de tant de travaux encor gardé pour lui
Qu’un doute amer, enfant de son expérience.Tous les jours désormais, du triste front humain,
Se détache un... -
Étoiles ! tourbillon de poussière sublime
Qu’un vent mystique emporte au fond du ciel désert,
À vouloir vous compter, notre calcul se perd
Dans le vertigineux mystère de l’abîme.Étoiles, tourbillon de poussière sublime !
Le puissant télescope ouvre son œil en vain.
Vous n’avez pas livré le secret de votre être,
Et nous vous admirons sans pouvoir... -
J'ai lu ta vive Odyssée
Cadencée,
J'ai lu tes sonnets aussi,
Dieu merci !Pour toi seul l'aimable Muse,
Qui t'amuse,
Réserve encor des chansons
Aux doux sons.Par le faux goût exilée
Et voilée,
Elle va dans ton réduit
Chaque nuit.Là, penchée à ton oreille
Qui s'éveille,
Elle te berce... -
Voltaire, ombre auguste et suprême,
Roi des madrigaux à la crème
Des vermillons et des paniers
Assis au pied de ta statue,
Je me disais : « Qu’est devenue
Cette perruque à trois lauriers ?O Corisandres ! me disais-je,
Mouches que, sur un sein de neige,
L’abbé posait du bout du doigt !
Bonnes marquises, nos aïeules,
Qui, sans être... -
Vous ne connaissez pas les molles rêveries
Où l’âme se complaît et s’arrête longtemps,
De même que l’abeille, en un soir de printemps,
Sur quelque bouton d’or, étoile des prairies ;Vous ne connaissez pas cet inquiet désir
Qui fait rougir souvent une joue ingénue,
Ce besoin d’habiter une sphère inconnue,
D’embrasser un fantôme impossible à saisir,...