Stances aux étoiles

Étoiles ! tourbillon de poussière sublime
Qu’un vent mystique emporte au fond du ciel désert,
À vouloir vous compter, notre calcul se perd
Dans le vertigineux mystère de l’abîme.

Étoiles, tourbillon de poussière sublime !

Le puissant télescope ouvre son œil en vain.
Vous n’avez pas livré le secret de votre être,
Et nous vous admirons sans pouvoir vous connaître,
Quand descend dans le soir votre rêve divin,

Le puissant télescope ouvre son œil en vain !

Yeux d’or indifférents aux frêles destinées,
Des peuples ont sombré dans le fatal remous,
Avant que vos rayons égarés jusqu’à nous
Aient franchi la distance en des milliers d’années.

Yeux d’or indifférents aux frêles destinées !

Vous planez sur la Mort, vous planez sur l’oubli.
Le Temps emporte tout, le siècle comme l’heure ;
Tout se perd, tout s’écroule... et votre aspect demeure
Tel qu’il le fut jadis pour maint enseveli.

Vous planez sur la Mort, vous planez sur l’oubli !

Vous hantez le silence altier des solitudes.
Ô points d’or qui veillez en des gouffres muets
Où les clameurs d’en bas ne bourdonnent jamais,
Vous ignorez le cri des viles multitudes.

Vous hantez le silence altier des solitudes !

Vous brillez dans mon cœur autant que dans la nuit.
― Ô merveille des cieux, tu tiens là tout entière ! ―
J’y garde vos reflets comme en un sanctuaire,
Et plus d’un noir chagrin devant eux s’est enfui.

Vous brillez dans mon cœur autant que dans la nuit !

Phares de l’Infini, vous éclairez mon âme !
Votre immense problème atteint l’Éternité ;
Vous me révélez Dieu par votre majesté :
Je vois luire son nom dans vos disques de flamme.

Phares de l’Infini, vous éclairez mon âme !

Oh ! guidez-vous les morts dans leur envol vers Dieu ?
Mon esprit, délivré du fardeau périssable,
S’engloutira peut-être en l’ombre irrévocable,
Ignorant de sa route après l’ultime adieu.

Oh ! guidez-vous les morts dans leur envol vers Dieu ?

Je t’adore, ô splendeur des étoiles sans nombre !
Élevant ma pensée à ton niveau géant.
J’ai vu l’âme immortelle et nié le néant,
Car, à te contempler, j’ai grandi dans mon ombre !...

Je t’adore, ô splendeur des étoiles sans nombre !

Collection: 
1891

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