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    Poète, en vain tu me compares
    Au rossignol, barde des airs ;
    Je crains l’éclat dont tu me pares,
    Je crains de trop croire à tes vers.

    Mes lèvres, de bonheur muettes,
    Boiraient au miel de tes accents ;
    Car, tu le sais, dieux et poètes,
    Ami, se nourrissent d’encens.

    Gardons le sceptre à de plus dignes !
    Ma muse est ta plus humble...

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    Amour présent du ciel, félicité suprême,
    Que ne puis-je exhaler sur la lyre que j'aime,
    Dans la chaste douceur des plus tendres accents,
    L'ineffable délire où tu ravis mes sens !
    Mais ma voix est débile, et ma bouche glacée
    Ne peut trouver des mots pour peindre ma pensée.
    Je le sens, et mes yeux se remplissent de pleurs.
    Il faut pour t'exprimer...

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    Déchiré par le fer, arbre au noble feuillage,
    A l’homme dont la main te mutile et t’outrage,
    Tu n’en verses pas moins ton ombre et ton trésor :
    Le flanc tout sillonné de profondes morsures,
    Par la lèvre béante où saignent tes blessures,
              Ta sève coule en larmes d’or.

    Poète, fais ainsi : sur la tourbe stupide
    Dont l’aveugle fureur t’...

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    Je sais, dans ma forêt natale,
    Un arbuste, enfant des hauts lieux :
    Fière est sa tige orientale,
    Fier son feuillage harmonieux.

    Verte et voisine des nuages,
    Sa tête, dans le bleu des airs,
    Fleurit sur les cimes sauvages
    Comme la grâce des déserts.

    Des rochers d’où sa flèche émerge,
    Jusqu’au ciel il porte la voix
    Du furtif...

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    O toi que le bonheur redoute,
    Fatidique vieillard, seul ami du malheur,
    Dieu qui portes la faux, éternel moissonneur,
    O Temps ! — ma voix t’implore, écoute
    Ce vœu, — le dernier vœu que doit gémir mon cœur.

    Hâte pour moi ton vol suprême ;
    Des espoirs décevants moissonne en moi la fleur ;
    Étouffe dans mon sein une implacable ardeur :
    Fais...

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    De l’aile effleurant mon visage,
    Volez, doux oiseaux de passage,
    Volez sans peur tout près de moi !
    Avec amour je vous salue ;
    Descendez du haut de la nue,
    Volez, et n’ayez nul effroi !

    Des mois d’or aux heures légères,
    Venez, rapides messagères,
    Venez, mes sœurs, je vous attends !
    Comme vous je hais la froidure,
    Comme vous j...

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    O douce et tendre fleur éclose avec l'aurore
    De son midi brûlant le jour est loin encore,
    Pourquoi t'incliner pâle et triste ainsi que moi ?
    Attends que le soleil ait voilé sa lumière,
    Attends que le trépas ait fermé ma paupière,
    Car je voudrais m'éteindre et passer avec toi !
    Pauvre petite fleur, qui petit causer ta peine ?
    N'as-tu pas des...

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    Poète au gosier d’or, enfant de nos savanes,
    Toi qui, fuyant ton nid caché sous l’herbe en pleurs,
    Te berçais dans la brise au roulis des lianes,
    Et chantais la lumière au front des bois en fleurs ;

    D’où viens-tu pour tomber tremblant à ma fenêtre,
    Loin des citronniers verts de notre île d’azur ?
    Au pays des palmiers toi que le ciel fit naître,...

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    LE BENGALI

    Il était né dans la rizière
    Qui borde l’étang de Saint-Paul.
    Heureux, il vivait de lumière,
    De chant libre et de libre vol.

    Poète ailé de la savane,
    Du jour épiant les lueurs,
    Il disait l’aube diaphane,
    Bercé sur la fataque en fleurs.

    Il hantait les gérofleries
    Aux belles grappes de corail
    Et, parmi les...

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    J’ai vu des nobles fils de nos forêts superbes
    Les grands troncs abattus dispersés dans les herbes,
    Et de l’homme en ces lieux j’ai reconnu les pas.
    Renversant de ses mains l’œuvre des mains divines,
    Partout sur son passage il sème et les ruines
             Et l’incendie et le trépas.

    Que de jours ont passé sur ces monts, que d’années
    Pour voiler...