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    POUR chanter la Bretagne et sa belle légende,
    L’écume de la mer et la fleur de la lande,
    Entre tous la Muse t’élut.
    Mais, loin des vieux dolmens, loin des flots pleins d’épaves,
    Nous aussi, nous aimons tes poèmes suaves.
    Brizeux, barde d’Arvor, salut !

    Moi, le Parisien, le troublé, le sceptique,
    Je suis, devant les fleurs de...

  • Du couvent troublant le silence,
    Arrive, avec son bruit pressé,
    Une voiture d’ambulance.
    On amène un soldat blessé.

    Sur sa capote le sang brille ;
    Il boite, éreinté par l’obus.
    Son fusil lui sert de béquille
    Pour descendre de l’omnibus.

    C’est un vieux aux moustaches rudes,
    Galonné d’un triple chevron,
    Qui hait les cagots et les...

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    SALUT, César ! Pour toi les pâles Destinées
    Comptent-elles les jours, les mois ou les années ?
    Pour un brave la mort n’est rien :
    Tu l’affrontas jadis sur les champs de carnage ;
    A présent, tu l’attends sans peur, étant un sage.
    Tu te meurs, ― et tu le sais bien.

    Certes, des caps bretons au fond des steppes russes,
    Tous les...

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    O toi dont la science et le constant effort
    Ont si souvent vaincu la douleur et la mort,
    O cerveau puissant et fertile,
    De l’univers qui souffre obstiné bienfaiteur,
    Pardonne si ma voix interrompt, ô Pasteur,
    Un instant ton travail utile !

    Le genre humain te paye un tribut mérité.
    Pris dans un grand courant de générosité
    Que tout le...

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    Telle, sur une mer houleuse, la frégate
    Emporte vers le Nord les marins soucieux,
    Telle mon âme nage, abîmée en tes yeux,
    Parmi leur azur pâle aux tristesses d’agate.
    Car j’ai revu dans leur nuance délicate
    Le mirage lointain des Édens et des cieux
    Plus doux, que ferme à nos désirs audacieux
    La figure voilée et sombre d’une Hécate.

    ...

  • Mon rêve, par l’amour redevenu chrétien,
    T’évoque à ses côtés, ô doux ange gardien,
    Divin et pur esprit, compagnon invisible
    Qui veilles sur cette âme innocente & paisible !
    N’est-ce pas, beau soldat des phalanges de Dieu,
    Qui, pour la protéger, fais toujours, en tout lieu,
    Sur l’adorable enfant planer ton ombre ailée,
    Que ta chaste personne est...

  • Je vois fleurir, assis à ma fenêtre,
    L’humble lilas de mon petit jardin,
    Et son subtil arome qui pénètre
    Vient jusqu’à moi dans le vent du matin

    Mais je suis plein d’une colère injuste,
    Car ma maîtresse a cessé de m’aimer,
    Et je reproche à l’innocent arbuste
    D’épanouir ses fleurs et d’embaumer.

    Tout enivré de soleil et de brise,
    Ce...

  • Vous portez, mon bel officier,
    Avec une grâce parfaite,
    Votre sabre à garde d’acier ;
    Mais je songe à notre défaite.

    Cette pelisse de drap fin
    Dessine à ravir votre taille ;
    Vous êtes charmant ; mais enfin.
    Nous avons perdu la bataille.

    On lit votre intrépidité
    Dans vos yeux noirs aux sourcils minces.
    Aucun mal d’être bien ganté...

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    D’UNE somme hier dissipée
    Il me reste une pièce encor.
    Elle est brillante et bien frappée :
    C’est un vieux napoléon d’or.

    Pris d’une tristesse soudaine,
    Je vois luire, au creux de ma main,
    Le front lauré du capitaine
    Et son fier visage romain.

    Je deviens pensif et je songe,
    Ô fragment des pesants lingots,
    Que...

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    Ô rare fleur, ô fleur de luxe et de décor,
    Sur ta tige toujours dressée et triomphante,
    Le Velasquez eût mis à la main d’une infante
    Ton calice lamé d’argent, de pourpre et d’or.

    Mais, détestant l’amour que ta splendeur enfante,
    Maîtresse esclave, ainsi que la veuve d’Hector,
    Sous la loupe d’un vieux, inutile trésor,
    Tu t’alanguis dans une...