À tes yeux

 
Telle, sur une mer houleuse, la frégate
Emporte vers le Nord les marins soucieux,
Telle mon âme nage, abîmée en tes yeux,
Parmi leur azur pâle aux tristesses d’agate.
Car j’ai revu dans leur nuance délicate
Le mirage lointain des Édens et des cieux
Plus doux, que ferme à nos désirs audacieux
La figure voilée et sombre d’une Hécate.

Hélas ! courbons le front sous le poids des exils !
C’est en vain qu’aux genoux attiédis des amantes
Nous cherchons l’infini sous l’ombre de leurs cils.

Jamais rayon d’amour sur ces ondes dormantes
Ne vibrera, sincère et pur, et les maudits
Ne retrouveront pas les anciens paradis.

Collection: 
1885

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O poète trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie,
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir et s'animer ?

N'importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse et de tout assouvie...

J'écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là ;
Elle songe sans doute au mal qui m'exila
Loin d'elle, l'autre hiver, mais sans trop d'épouvante,
Car je suis...

Champêtres et lointains quartiers, je vous préfère
Sans doute par les nuits d'été, quand l'atmosphère
S'emplit de l'odeur forte et tiède des jardins ;
Mais j'aime aussi vos bals en plein vent d'où, soudains,
S'échappent les éclats de rire à pleine bouche,
Les polkas...

Songes-tu parfois, bien-aimée,
Assise près du foyer clair,
Lorsque sous la porte fermée
Gémit la bise de l'hiver,

Qu'après cette automne clémente,
Les oiseaux, cher peuple étourdi,
Trop tard, par un jour de tourmente,
Ont pris leur vol vers le Midi ;...

Captif de l'hiver dans ma chambre
Et las de tant d'espoirs menteurs,
Je vois dans un ciel de novembre,
Partir les derniers migrateurs.

Ils souffrent bien sous cette pluie ;
Mais, au pays ensoleillé,
Je songe qu'un rayon essuie
Et réchauffe l'oiseau...