À un sous-lieutenant

Vous portez, mon bel officier,
Avec une grâce parfaite,
Votre sabre à garde d’acier ;
Mais je songe à notre défaite.

Cette pelisse de drap fin
Dessine à ravir votre taille ;
Vous êtes charmant ; mais enfin.
Nous avons perdu la bataille.

On lit votre intrépidité
Dans vos yeux noirs aux sourcils minces.
Aucun mal d’être bien ganté !
Mais on nous a pris deux provinces.

A votre âge on est toujours fier
D’un peu de passementerie ;
Mais, voyez-vous, c’était hier
Qu’on mutilait notre patrie.

Mon lieutenant, je ne sais pas
Si le soir, un doigt sur la tempe,
Tenant le livre ou le compas,
Vous veillez tard près de la lampe.

Vos soldats sont-ils vos enfants ?
Êtes-vous leur chef et leur père ?
Je veux le croire et me défends
D’un doute qui me désespère.

Tout galonné, sur le chemin,
Pensez-vous à la délivrance ?
– Jeune homme, donne-moi la main.
Crions un peu : – Vive la France !

Collection: 
1892

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O poète trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie,
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir et s'animer ?

N'importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse et de tout assouvie...

J'écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là ;
Elle songe sans doute au mal qui m'exila
Loin d'elle, l'autre hiver, mais sans trop d'épouvante,
Car je suis...

Champêtres et lointains quartiers, je vous préfère
Sans doute par les nuits d'été, quand l'atmosphère
S'emplit de l'odeur forte et tiède des jardins ;
Mais j'aime aussi vos bals en plein vent d'où, soudains,
S'échappent les éclats de rire à pleine bouche,
Les polkas...

Songes-tu parfois, bien-aimée,
Assise près du foyer clair,
Lorsque sous la porte fermée
Gémit la bise de l'hiver,

Qu'après cette automne clémente,
Les oiseaux, cher peuple étourdi,
Trop tard, par un jour de tourmente,
Ont pris leur vol vers le Midi ;...

Captif de l'hiver dans ma chambre
Et las de tant d'espoirs menteurs,
Je vois dans un ciel de novembre,
Partir les derniers migrateurs.

Ils souffrent bien sous cette pluie ;
Mais, au pays ensoleillé,
Je songe qu'un rayon essuie
Et réchauffe l'oiseau...