• Pourquoy m'as tu vendu, Jeunesse,
    A grant marchié, comme pour rien,
    Es mains de ma dame Viellesse
    Qui ne me fait gueres de bien ?
    A elle peu tenu me tien,
    Mais il convient que je l'endure,
    Puis que c'est le cours de nature.

    Son hostel de noir de tristesse
    Est tandu. Quant dedans je vien,
    J'y voy l'istoire de Destresse
    Qui me fait...

  • Puisque de l'enfance envolée
    Le rêve blanc,
    Comme l'oiseau dans la vallée,
    Fuit d'un élan ;

    Puisque mon auteur adorable
    Me fait errer
    Sur la terre où rien n'est durable
    Que d'espérer ;

    A moi jeunesse, abeille blonde
    Aux ailes d'or !
    Prenez une âme, et par le monde,
    Prenons l'essor ;

    Avançons, l'une emportant l'autre...

  • J'étais un arbre en fleur où chantait ma Jeunesse,
    Jeunesse, oiseau charmant, mais trop vite envolé,
    Et même, avant de fuir du bel arbre effeuillé,
    Il avait tant chanté qu'il se plaignait sans cesse.

    Mais sa plainte était douce, et telle en sa tristesse
    Qu'à défaut de témoins et de groupe assemblé,
    Le buisson attentif avec l'écho troublé
    Et le...

  • Ô jeunesse, fervent et clair foyer d'amour,
    Tu fais au ciel l'aveu sonore de ta joie,
    Et ta flamme, luttant d'éclat avec le jour,
    Aux quatre vents, pareille à la Chimère, ondoie !

    Mais tu n'as pas plus tôt brillé de tout ton feu
    Que, prompte à dévorer le sang qui t'alimente,
    Tu languis, déjà sombre, et tu meurs, et qu'au lieu
    Où tu brûlais...

  • L'enfance incontinent meurt devant la jeunesse,
    L'adolescence fait la jeunesse mourir,
    La virilité fait au monument* courir
    L'âge d'adolescence où l'amour nous oppresse,

    La virilité cède à la morne vieillesse,
    La mort fait le surgeon de vieillesse tarir,
    Le jour du lendemain le jourd'hui fait périr,
    Tant la fuite du temps et la suite se presse....

  • Si tu meurs en jeunesse, autant as tu gousté
    D'amour, et de douceur durant ce peu d'espace,
    Que si de deus cens ans tu par-faisois la trace,
    Nul plaisir est nouveau sous le ciel revouté :

    Pour boire plusieurs fois le ventre degousté
    N'en est de rien plus soul, la corruptible masse
    De ce cors que tu traine, est semblable à la tasse
    Qui ne retient...

  • Je ne refuse point qu'en si belle jeunesse
    De mille et mille amants vous soyez la maîtresse,
    Que vous n'aimiez partout, et que, sans perdre temps,
    Des plus douces faveurs ne les rendiez contents :
    La beauté florissante est trop soudain séchée
    Pour s'en ôter l'usage, et la tenir cachée.
    Mais je crève de rage et supporte au-dedans
    Des glaçons trop serrés...

  • Ô mes lettres d'amour, de vertu, de jeunesse,
    C'est donc vous ! Je m'enivre encore à votre ivresse ;
    Je vous lis à genoux.
    Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge !
    Laissez-moi me cacher, moi, l'heureux et le sage,
    Pour pleurer avec vous !

    J'avais donc dix-huit ans ! j'étais donc plein de songes !
    L'espérance en chantant me berçait de mensonges...

  • Au temps de ma jeunesse, harmonieuse lyre,
    Comme l'eau sous les fleurs, ainsi chantait ta voix ;
    Et maintenant, hélas ! C'est un sombre délire :
    Tes cordes en vibrant ensanglantent mes doigts.

    Le calme ruisselet traversé de lumière
    Reflète les oiseaux et le ciel de l'été,
    Ô lyre, mais de l'eau qui va creusant la pierre
    Au fond d'un antre noir, plus...

  • Ta royale jeunesse a la mélancolie
    Du Nord où le brouillard efface les couleurs,
    Tu mêles la discorde et le désir aux pleurs,
    Grave comme Hamlet, pâle comme Ophélie.

    Tu passes, dans l'éclair d'une belle folie,
    Comme elle, prodiguant les chansons et les fleurs,
    Comme lui, sous l'orgueil dérobant tes douleurs,
    Sans que la fixité de ton regard oublie...