• Dans le crépuscule d’automne
    Ils reviennent, les petits veaux :
    Porcs, génisses, bœufs et chevaux
    Suivent la route monotone.

    De pauvres ânes qu’on bâtonne
    Hi-hannent par monts et par vaux.
    Dans le crépuscule d’automne
    Ils reviennent les petits veaux.

    Un troupeau bêlant qui s’étonne
    D’aller par des chemins nouveaux
    Creux et noirs...

  •  
    Me reconnaissez-vous ? Aux rivages lointains,
    Pauvre abeille, j'osai chercher d'autres destins,
    Et je voulus aussi connaître et voir le monde.
    Inconstante, trouvant, en touchant chaque fleur,
    Rarement le plaisir, bien souvent la douleur,
    J'ai promené longtemps ma course vagabonde.

    Sous les cieux étrangers mon bonheur s'envola,
    Car, malgré...

  •  
    Après la dernière bataille,
    Quand, formidables et béants,
    Six cents canons sous la mitraille
    Eurent écrasé les géants ;
    Dans ces jours où caisson qui roule,
    Blessés, chevaux, fuyaient en foule,
    Où l’on vit choir l’aigle indompté,
    Et, dans le bruit et la fumée,
    Sous l’écroulement d’une armée,
    Plier Paris épouvanté ;

    Quand la...

  •  
    À Henri d’Arles.

    Regardez, tout là-bas ! On voit ― blanches mouettes
    Se profilant au bord de l’horizon mouvant ―
    Lentement émerger douze voiles coquettes
    Sous l’haleine légère et folâtre du vent.

    Les fiers Gaspésiens reviennent de la pêche
    Qui les a tout le jour retenus loin du bord.
    Le ciel est clair, l’onde est calme, la...

  •  
    Le chant de l'Orgie avec des cris au loin proclame
    Le beau Lysios, le Dieu vermeil comme une flamme,
    Qui, le thyrse en main, passe rêveur et triomphant,
    A demi couché sur le dos nu d'un éléphant.

    Le tigre indien, le lynx, les panthères tachées,
    Suivent devant lui, par des guirlandes attachées,
    Les chèvres des monts, que, réjouis par de doux vins,...

  • C'est toi, chère exilée ! Oh ! Laisse que j'adore
    Ta figure divine où rayonne l'aurore,
    Ô république, amour vivace de nos coeurs !
    La fosse où, dix-huit ans, de sinistres vainqueurs
    T'ont murée, est ouverte, et tu viens, souriante,
    Claire étoile aux rayons de qui tout s'oriente !
    Les tombeaux ne t'ont rien laissé de leur pâleur ;
    Tu viens la lèvre fière et le...

  • Toujours tout droit, sans rien regarder, ils cheminent.
    Les paysans hargneux de coin les examinent,
    Et les enfants poltrons se mettent sur un rang
    Pour les voir. Car ces gueux n'ont pas l'air rassurant.
    Et pourtant ils ne sont que trois, ces trouble-fête,
    Et le plus vieux des trois, celui qui marche en tête,
    N'a pas treize ans. Mais comme ils sont fauves,...

  • L'Amour de mes pensers, comme de son pinceau,
    Vous peint à mon esprit, si je clos ma paupière
    Je vous vois en dormant, si je suis sans lumière,
    Pour m'éclairer de nuit vous êtes mon flambeau.

    Si je suis sur la terre, ou si je suis sur l'eau,
    Vous me suivez sur terre, et dessus la rivière :
    Car je vous vois toujours et devant et derrière,
    La croupe du...

  • Hélas ! Je devrais le haïr !
    Il m'a rendu le mal de l'âme,
    Ce mal plein de pleurs et de flamme,
    Si triste, si lent à guérir !
    Hélas ! Je devrais le haïr.
    Il m'a rapporté ce tourment
    Qu'avait assoupi son absence :
    Dans le charme de sa présence,
    Dans mon nom, qu'il dit tristement,
    Il m'a rapporté ce tourment.

    Dans le baiser pur du retour...

  • Pour fêter le retour normal de l'âpre hiver,
    J'ai gravi, dès le jour, ma montagne rouillée.
    Le vent du nord-ouest a souffle tout hier.

    J'en voulais savourer la rafale mouillée,
    Jeux de pluie aux clartés du ravin partiel,
    Sur le treillis brumeux des branches dépouillées.

    La lumière est instable aux décors irréels
    Des vallons d'ombre...