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    La vie et la douleur m’ont appris la sagesse,
              La voici : l’amour est mortel.
    Il meurt même avant nous, et l’homme en sa détresse
              N’a point d’ennemi plus cruel.

    Qu’est-ce donc que la vie ? amertume et torture,
              Doute et désespoir, tour à tour.
    Mais le plus grand des maux que nous fit la nature,
              Et le plus...

  • J’ai reposé mon cœur avec tranquillité
    Dans l’asile très-sûr d’un amour très-honnête.
    La lutte que je livre au sort est simple et nette,
    Et tout peut m’y trahir, non la virilité.

    Je ne crois pas à ceux qui pleurent, l’âme éprise
    De la sonorité de leurs propres sanglots :
    Leur idéal est né de l’écume des mots,
    Et comme je les tiens pour nuls, je les...

  • Tu m’entendras, Géant héritier du Rebelle !
    Je hurlerai si haut dans la nue et le vent,
    Que, dans ma voix, grondant du couchant au levant,
    Des créneaux de Ninive aux pylônes d’Arbèle,
    Tu sentiras passer le cri du Dieu vivant.

    Tu m’entendras, ô peuple insensé qui renies
    L’Elohim qui te livre aux mâchoires des loups.
    Et, sous les fouets de fer et la...

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    Tu me comprends : je suis un être médiocre,
    Ni bon, ni très mauvais, paisible, un peu sournois.
    Je hais les lourds parfums et les éclats de voix,
    Et le gris m’est plus cher que l’écarlate ou l’ocre.

    J’aime le jour mourant qui s’éteint par degrés,
    Le feu, l’intimité claustrale d’une chambre
    Où les lampes, voilant leurs transparences d’ambre,
    ...

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    Au courant de l’amour lorsque je m’abandonne,
    Dans le torrent divin quand je plonge enivré,
    Et presse éperdument sur mon sein qui frissonne
    Un être idolâtré.

    Je sais que je n’étreins qu’une forme fragile,...

  • Les hommes d’aujourd’hui qui sont nés quand naissait
    Ce siècle, et quand son aile effrayante poussait,
    Ou qui, quatre-vingt-neuf dorant leur blonde enfance,
    Ont vu la rude attaque et la fière défense,
    Et pour musique ont eu les noirs canons béants,
    Et pour jeux de grimper aux genoux des géants ;
    Ces enfants qui jadis, traînant des cimeterres,
    Ont vu...

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    Le soir descend. Une place de Jérusalem, sous la colline du Temple. Plusieurs jeunes hommes sont arrêtés devant une maison neuve, dont la façade est sculptée et peinte selon la mode récente. Sur une des parois, des groupes de danseuses s’enlacent au milieu d’un encadrement de lotus et de grenades ; sur l’autre, des poissons, des oiseaux, des gerbes de blé ; et au centre, une...

  • Quelle nuit, ô mon âme ! et quel silence ! Écoute !
    La diane héroïque hier encor battait !
    Voilà donc la rançon que le pain blanc nous coûte !
          Contemple Paris qui se tait !

    Superbe, aux longs échos de ses vingt citadelles,
    Hier encor Paris, debout sur ses remparts,
    Caressait des canons fidèles....

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    CHAQUE jour nous disons ― l’habitude en est prise ―
    Des mots qui ne sont plus sincères qu’à demi,
    Et que nous prodiguons, simulant la surprise
    Douloureuse, en serrant la main d’un pauvre ami.

    L’expression navrée, et par la lèvre apprise
    Dans les heures de deuil et de larmes, parmi
    La désolation lamentable qui brise,
    Part d’une âme où pourtant...

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    À Stéphane Mallarmé.

    Après le bain, la chambrière
    Vous coiffe. Le peignoir ruché
    Tombe un peu. Vous écoutez, fière,
    Les madrigaux de la psyché.

    Mais la psyché pourtant, Madame,
    Vous dit : « Ce corps vainement beau,
    Caduc abri d’un semblant d’âme
    Ne peut éviter le tombeau.

    « Alors cette masse charnelle
    ...