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    JE voudrais, dans les bois que l’automne dépouille
    Et par les tout petits sentiers capricieux,
    En un jour où l’azur unit la terre aux cieux,
    Marcher sur le tapis d’or flexible et de rouille.

    Je voudrais respirer la fleur que l’aube mouille,
    Dont le parfum se meurt, arome précieux ;
    Une dernière fois, réjouir mes deux yeux
    Au flot clair de la...

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    LA bonne odeur du foin, où le trèfle se mêle,
    Voyage dans le vent paisible de l’été ;
    La terre glorieuse en sa fécondité
    Par les parfums exhale une âme maternelle.

    Sa jeunesse toujours vivace renouvelle
    Les champs où les troupeaux robustes ont brouté
    Et, sous le grand soleil prodigue de clarté,
    L’herbe grasse alourdit le lait dans la mamelle...

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    BARRICADE la porte et ferme les volets :
    Ton cœur est la maison qui doit rester secrète ;
    Des trésors sont cachés, que la foule indiscrète
    Contemplerait comme un butin, si tu voulais !

    Trop d’appétits sont vils, trop de désirs sont laids :
    N’en laisse pénétrer aucun dans ta retraite ;
    Vis en toi-même ainsi qu’un doux anachorète,
    Et ne...

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    AIDE-MOI ! Le chemin est rude et je suis lâche.
    Depuis longtemps, je suis parti vers la Beauté,
    Mais, faible, je recule et j’ai tant hésité
    Que je n’ai rien encore accompli de ma tâche.

    Je désespère ! Au lieu d’espérer, je me fâche.
    Toujours j’ai le remords d’avoir trop peu monté ;
    Et, sur ce chemin long comme l’éternité,
    Je m’assieds, et je...

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    C’EST dimanche, et voyez !
                                               Dans la prairie en fleurs
    Butine activement l’abeille diligente !
    L’incrédule ruisseau dont le flot bleu s’argente
    Abreuve encore l’herbe et les merles siffleurs !

    Insatiable, au ciel tiède et pur, l’hirondelle,
    Dédaigneuse de Dieu, poursuit les moucherons !
    Et les arbres,...

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    DORMEZ. Dans l’ombre vaste où rôde le vent frais
    Le feuillage murmure en un bruit de marée ;
    L’espace est plein de lune et la nuit est sacrée.
    Dormez comme ceux-là qui dorment pour jamais !

    Vous appeliez l’oubli : voici l’heure propice ;
    La grande paix descend pour habiter en vous.
    Dormez suavement, comme les enfants doux
    Qui sourient quand...

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    LORSQUE je vous ai vue une heure seulement,
    De votre souvenir je ne puis me distraire ;
    Je rêve, et dans mon cœur votre regard charmant
    Demeure tendre et pur, souriant et sincère…

    Oui, vous abandonnez quelque chose de vous
    Dans ma main, sur ma bouche, à mon front, qui m’obsède
    Délicieusement, comme un songe très doux
    Dont la caresse heureuse...

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    JE ne suis pas si fou, ma chère enfant, de croire
    Aux rêves que je fais et qui, dans ma mémoire,
    Comme sur un papier vieilli des mots tracés,
    Ont paru clairement et sont presque effacés.
    Aussi, sans nul regret comme sans amertume,
    J’en ébauche souvent le croquis à la plume.
    Nés du désir, ils sont passagers comme lui,
    Et c’est parce qu’une...

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    L’HEURE est grise. Le vent, chargé de feuilles mortes,
    Entre par la fenêtre et fait battre la porte.

    Des nuages couleur de cendre et de fumée
    Suivent dans le ciel bas leur route accoutumée.

    Le silence, troublé par un bruit d’attelage,
    S’épand comme une mer montante sur la plage.

    Sa puissante marée, incessamment accrue,
    Envahit la maison et...

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    LES pires maux sont ceux que l’on souffre en secret,
    Comme en l’éloignement infini du silence ;
    Parfois, entre les cœurs quelle longue distance,
    Qu’un mot, ainsi qu’un grand coup d’aile, franchirait !

    Laisse ta fausse honte et prends le chemin vrai :
    Courageuse, que ta douleur enfin s’élance !
    La route des aveux et de la confidence
    Vers le...