•  
    Quand j’entends disputer les hommes
    Sur Dieu qu’ils ne pénètrent point,
    Je me demande où nous en sommes :
    Hélas ! toujours au même point.

    Oui, j’entends d’admirables phrases,
    Des sons par la bouche ennoblis ;
    Mais les mots...

  •  
    Lorsque la terre entra dans sa vingtième année,
    Le premier des printemps couronna son repos,
    L’air céleste s’emplit d’odeurs de matinée,
    Et la mer, s’étalant, laissa crouler ses flots.

    Ce jour-là, dans ta grâce, Ève, tu nous es née....

  •  
    Nous marchons : devant nous la poussière se lève,
    Elle reçoit nos pas et les ensevelit ;
    Mais l’espace nous suit sans rupture ni trêve :
    Il sait quel long voyage un seul homme accomplit.

    Tant de pieds ont déjà foulé la même place
    Que les grains du pavé ne les nombreraient pas.
    Si chaque homme après soi laissait partout sa trace,
    Quels bizarres...

  • XV

    Devant la blanche ferme où parfois vers midi
    Un vieillard vient s’asseoir sur le seuil attiédi,
    Où cent poules gaîment mêlent leurs crêtes rouges,
    Où, gardiens du sommeil, les dogues dans leurs bouges
    Ecoutent les chansons du gardien...

  • Le vase où meurt cette verveine
    D’un coup d’éventail fut fêlé ;
    Le coup dut effleurer à peine :
    Aucun bruit ne l’a révélé.

    Mais la légère meurtrissure,
    Mordant le cristal chaque jour,
    D’une marche invisible et sûre
    En a fait...

  •  
    J’ai voulu tout aimer, et je suis malheureux,
    Car j’ai de mes tourments multiplié les causes ;
    D’innombrables liens frêles et douloureux
    Dans l’univers entier vont de mon âme aux choses.

    Tout m’attire à la fois et d’un attrait pareil :...

  • LA-BAS...

    Là-bas, sur la rive africaine,
    Sous le beau ciel élyséen,
    Tu verras, ma petite reine,
    Comme il fait beau, comme on est bien !

    Chère, veux-tu du pittoresque ?
    nous aurons, si c'est là ton goût,
    Une blanche maison mauresque
    Avec des faïences partout.

    Tu porteras, ô ma chérie,...

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    CEUX qui veulent capter, comme un oiseau céleste,
    Le rêve pour l’enclore en un vers immortel,
    Après l’effort, ceux-là savent ce qu’il en reste,
    Et mâchent un dégoût plus amer que le fiel !

    Donc, le labeur est vain, puisque l’image est fausse,
    Comme au reflet menteur d’un miroir déformant,
    Le Verbe, refusant plus souvent qu’il n’exauce,
    N’a...

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    À mon ami Eugène Crépet.

    Ô laboureur de l’âme, ô semeur éternel.
    Poète, avant le jour, loin du toit paternel,
    Sans écouter le chien qui gronde,
    Pars avec ta charrue et ton rude aiguillon :
    Tu sais que le temps presse, et qu’il faut au sillon
    Jeter tout l’avenir d’un monde.

    Il part ; la plaine immense, au lever du soleil,
    N’a pas...

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    Mars préside aux travaux de la jeune saison ;
    A peine l’aube errante au bord de l’horizon
    Teinte de pâle argent la mare solitaire,
    Le laboureur, fidèle ouvrier de la terre,
    Penché sur la charrue, ouvre d’un soc profond
    Le sein toujours blessé, le sein toujours fécond.
    Sous l’inflexible joug qu’un cuir noue à leurs cornes,
    Les bœufs à l’œil...