• Que mon sort est affreux! s’écriait un hibou :
    Vieux, infirme, souffrant, accablé de misère,
          Je suis isolé sur la terre,
    Et jamais un oiseau n’est venu dans mon trou
    Consoler un moment ma douleur solitaire.
         Un pigeon entendit ces mots,
         Et courut auprès du malade :
         Hélas! mon pauvre camarade,
         Lui dit-il, je plains bien...

  • Dans le triomphe bleu d’un soir oriental
    Elle s’accoude avec une lente souplesse
    Au rebord lumineux de la terrasse, et laisse
    Ses cheveux étaler leur deuil sacerdotal.

    La ville sainte aux toits baignés de lueurs blanches
    Est pleine de...

  • Vêtus de bure blanche et de noirs scapulaires,
    Cent moines sont assis aux bancs Capitulaires.
    Ayant psalmodié l’Angelus domini
    Et clos les lourds missels sous le vélin jauni,
    Sans plus mouvoir la lèvre et cligner la paupière
    Que les...

  • L’hippopotame au large ventre
    Habite aux Jungles de Java,
    Où grondent, au fond de chaque antre,
    Plus de monstres qu’on n’en rêva.

    Le boa se déroule et siffle,
    Le tigre fait son hurlement,
    Le buffle en colère renifle ;
    Lui, dort ou pait tranquillement.

    Il ne craint ni kriss ni zagaies,
    Il regarde l’homme sans fuir,
    Et rit des balles...

  •  

    Je suis une hirondelle et non une colombe ;
    Ma nature me force à voltiger toujours.
    Le nid où des ramiers s’abritent les amours,
    S’il y fallait couver, serait bientôt ma tombe.

    Pour quelques mois, j’habite un créneau qui surplombe
    Et vole, quand l’automne a raccourci les jours,
    Pour les blancs minarets quittant les noires tours,
    Vers l’...

  • J’ÉTAIS allé chasser sur le bord de la mer.
    Libre et seul, enivré de marcher au grand air,
    Je regardais le flot s’arrêter sur la rive,
    D’après l’ordre éternel qui de l’espace arrive.
    A la bouche du fleuve où nagent les saumons,
    Entre les rochers gris couverts de goémons,
    J’allais, et je laissais entrer dans ma poitrine
    Ce souffle acrement pur, cette...

  •  
    À Edmond de Guerle.

    Quand son enseignement eut consolé le monde,
    Le Bouddha, retiré dans la djongle profonde
    Et du seul Nirvâna désormais soucieux,
    S’assit pour méditer, les bras levés aux cieux ;
    Et gardant pour toujours cette sainte attitude,
    Il vécut dans l’extase et dans la solitude,
    Concentrant son esprit sur un...

  •  
    J'aime une fille jolie,
    Ivona, tel est son nom.
    Qu'en dit-on ?
    Déjà c'était ma folie
    Lorsqu'elle entra, blonde enfant,
    Au couvent.

    Non ! Dans toute la Cornouaille,
    De Lo'-Christ à Kemperlé
    Sur l'Ellé,
    Il n'est oeil noir qui la vaille,
    Cœur plus aimant que le sien,
    Je crois bien.

    Rien qu'en voyant sa tournure,...

  • Merd’ ! V’là l’Hiver et ses dur’tés,
    V’là l’ moment de n’ pus s’ mettre à poils
    V’là qu’ ceuss’ qui tienn’nt la queue d’ la poêle
    Dans l’ Midi vont s’ carapater !

    V’là l’ temps ousque jusqu’en Hanovre
    Et d’ Gibraltar au cap Gris-Nez,
    Les Borgeois, l’ soir, vont plaind’ les Pauvres
    Au coin du feu… après dîner !

    Et v’là l’ temps ousque dans la...

  •  
    Vers la forêt, là-bas, à mi-coteau,
    Quand le brouillard s’entr’ouvre et s’illumine,
    Je vois, plié dans son neigeux manteau,
    Un lent vieillard qui vers nous s’achemine.

    Les noirs rameaux que brise un vent du nord
    Autour de lui pleuvent comme des flèches ;
    D’un pied pesant foulant les feuilles sèches,
    Il vient, courbé sous son faix de bois mort...