L’Hiérodoule

Dans le triomphe bleu d’un soir oriental
Elle s’accoude avec une lente souplesse
Au rebord lumineux de la terrasse, et laisse
Ses cheveux étaler leur deuil sacerdotal.

La ville sainte aux toits baignés de lueurs blanches
Est pleine de rumeurs d’épouvante, et là-bas,
Dans le Bois pollué par le sang des combats,
Des feux semblent des yeux cruels entre les branches.

Les hommes durs venus de pays innommés
Fouleront ce matin le sol du sanctuaire ;
Près des murs, attendant l’aurore mortuaire,
Veillent, silencieux, des cavaliers armés.

Et vers le ciel pareil aux cuirasses brunies
Que hérissent des clous brillants, leur rude main
Lève de longs buccins d’or qui seront demain
Les annonciateurs sacrés des agonies.

Des femmes, leurs seins nus caressés de clartés,
Dans de grands parcs plantés d’hiératiques chênes
S’attardent à rêver des souillures prochaines
Et s’apprêtent pour les mauvaises voluptés.

Mais, dédaignant le songe humain des vils désastres,
L’hiérodoule au cœur d’éternel diamant
Dans la suprême nuit regarde éperdument
L’hiver du ciel blanchi par le givre des astres.

Collection: 
1890

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