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    La tarentule du chaos
    Guette la raison qu’elle amorce.
    L’Esprit marche avec une entorse
    Et roule avec d’affreux cahots.

    Entendez hurler les manchots
    De la camisole de force !
    La tarentule du chaos
    Guette la Raison qu’elle amorce.

    Aussi la Mort dans ses caveaux
    Rit-elle à se casser le torse,
    Devant la trame obscure et torse...

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    Errante, elle demande aux enfants d’alentour
    Une fleur qu’elle a vue un jour en Allemagne,
    Frêle, petite et sombre, une fleur de montagne.
    Au parfum pénétrant comme un aveu d’amour.

    Elle a fait ce voyage, et depuis son retour
    L’incurable langueur du souvenir la gagne :
    Sans doute un charme étrange et mortel accompagne
    Cette fleur qu’elle a vue...

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    Les hommes ont la force, et tout devant eux croule ;
    Ils sont le peuple, ils sont l'armée, ils sont la foule ;
    Ils ont aux yeux la flamme, ils ont au poing le fer ;
    Ils font les dieux ; ils sont les dieux ; ils sont l'enfer ;
    Ils sont l'ombre et la guerre ; on les entend bruire,
    Rugir et triompher ; ils peuvent tout détruire,
    Et, plus hauts et plus...

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    Le noir lierre aux douces roses enlacé
    Décore le portique et son treillage vert,
    Et l’on voit s’entr’ouvrir le pétale de chair
    Près du feuillage en cœur qui vers lui s’est glissé ;

    Une amoureuse odeur de soir et de passé
    Se mêle au dur parfum terrestrement amer ;
    La fleur de sang sourit à la feuille de fer,
    Car de leur double poids son orgueil...

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    La fontaine du val profond
    Luit au bas des vieilles tourelles
    Dont les toitures se défont
    Et dont les girouettes grêles
    Vont et viennent, viennent et vont.

    Jamais la mousse de savon
    N’a troublé ses plissements frêles :
    Elle est limpide jusqu’au fond,
                    La fontaine.

    Sur ses bords les saules me font
    Des...


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  • Comme le flot des mers ondulant vers les plages,
    Ô bois, vous déroulez, pleins d’arome et de nids,
    Dans l’air splendide et bleu, vos houles de feuillages ;
    Vous êtes toujours vieux et toujours rajeunis.

    Le temps a respecté, rois aux longues années,
    Vos grands fronts couronnés de lianes d’argent ;
    Nul pied ne foulera vos feuilles non fanées :
    Vous...

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    Il est une fontaine heureuse, dont l'eau tombe
    Dans un bassin plus blanc qu'une aile de colombe ;
    Cette eau limpide, avec de clairs rayonnements,
    Sur les dauphins de marbre éclate en diamants.

    Elle rend aux vieillards la jeunesse et la force.
    Mille jeunes Cypris, fières de leur beau torse,
    Sur l'azur de ses flots qui ne sont point amers
    Lèvent...

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    Rends la sève aux heureux, naïade de Jouvence,
    À leurs rapides jours donne un long renouveau ;
    Retourne pour eux seuls le fatal écheveau
    Dont le fil mesuré vers les ciseaux s’avance.

    Ceux-là n’ont pas connu le soupir dès l’enfance,
    L’austère appel du Vrai, l’altier défi du Beau,
    Le tourment d’y répondre et l’attrait du tombeau
    Pour le front...

  • À la morne chartreuse, entre des murs de pierre,
    En place de jardin l’on voit un cimetière,
    Un cimetière nu comme un sillon fauché,
    Sans croix, sans monument, sans tertre qui se hausse :
    L’oubli couvre le nom, l’herbe couvre la fosse ;
    La mère ignorerait où son fils est couché.

    Les végétations maladives du cloître
    Seules sur ce terrain peuvent germer...