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    L’HEURE est grise. Le vent, chargé de feuilles mortes,
    Entre par la fenêtre et fait battre la porte.

    Des nuages couleur de cendre et de fumée
    Suivent dans le ciel bas leur route accoutumée.

    Le silence, troublé par un bruit d’attelage,
    S’épand comme une mer montante sur la plage.

    Sa puissante marée, incessamment accrue,
    Envahit la maison et...


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    Voyager seul est triste, et j’ai passé la nuit
               Dans une étrange hôtellerie.
    À la plus vieille chambre un enfant m’a conduit,
               De galerie en galerie.

    Je me suis étendu sur un grand lit carré
               Flanqué de lions héraldiques ;
    Un rideau blanc tombait à longs plis, bigarré
               Du reflet des vitraux gothiques....

  • Chacun peut bien de cette autre Diane
    La beauté voir jointe à la chasteté
    Mais je suis seul qui voy la Sainteté
    Du clair esprit par le corps diaphane :

    Par ce corps là, non pas corps, mais le fane
    D'une nouvelle et haute deité,
    Fane, lequel (impie iniquité !)
    L'irreverente ignorance prophane.

    Donc moy qui suis de si belle lumiere
    ...

  • De moy elle a, et d'elle j'ay la vie,
    La vie moy ? mais, las, j'ay la mort d'elle,
    Qui toutesfois auray vengeance telle
    Que par sa mort ma mort sera suyvie :

    L'on diroit bien qu'elle a brulante envie
    De m'estre douce, autant qu'elle est rebelle,
    Car si je ris, elle rit (l'infidele)
    Et mon pleurer à pleurer la convie :

    Mais tant en vain ce...

  • Cette nuit, au-dessus des quais silencieux,
    Plane un calme lugubre et glacial d'automne.
    Nul vent. Les becs de gaz en file monotone
    Luisent au fond de leur halo, comme des yeux.

    Et, dans l'air ouaté de brume, nos voix sourdes
    Ont le son des échos qui se meurent, tandis
    Que nous allons rêveusement, tout engourdis
    Dans l'horreur du soir froid plein...

  • La nuit. La pluie. Un ciel blafard que déchiquette
    De flèches et de tours à jour la silhouette
    D'une ville gothique éteinte au lointain gris.
    La plaine. Un gibet plein de pendus rabougris
    Secoués par le bec avide des corneilles
    Et dansant dans l'air noir des gigues nonpareilles,
    Tandis, que leurs pieds sont la pâture des loups.
    Quelques buissons d'épine épars...

  • Sous la nue où le vent qui roule
    Mugit comme un troupeau de boeufs,
    Dans l'ombre la mer dresse en foule
    Les cimes de ses flots bourbeux.

    Tous les démons de l'Atlantique,
    Cheveux épars et bras tordus,
    Dansent un sabbat fantastique
    Autour des marins éperdus.

    Souffleurs, cachalots et baleines,
    Mâchant l'écume, ivres de bruit,
    Mêlent...