ous la nue où le vent qui roule
Mugit comme un troupeau de bœufs,
Dans l’ombre la mer dresse en foule
Les cimes de ses flots bourbeux.
Tous les démons de l’Atlantique,
Cheveux épars et bras tordus,
Dansent un sabbat fantastique
Autour des marins éperdus.
Souffleurs, cachalots et baleines,
Mâchant l’écume, ivres de bruit,
Mêlent leurs bonds et leurs haleines
Aux convulsions de la nuit.
Assiégé d’écumes livides,
Le navire, sous ce fardeau,
S’enfonce aux solitudes vides,
Creusant du front les masses d’eau.
Il se cabre, tremble, s’incline,
S’enlève de l’Océan noir,
Et du sommet d’une colline
Tournoie au fond d’un entonnoir.
Et nul astre au ciel lourd ne flotte ;
Toujours un fracas rauque et dur
D’un souffle égal hurle et sanglote
Au travers de l’espace obscur.
Du côté vague où l’on gouverne,
Brusquement, voici qu’au regard
S’entr’ouvre une étroite caverne
Où palpite un reflet blafard.
Bientôt, du faîte de ce porche
Qui se hausse en s’élargissant,
On voit pendre, lugubre torche,
Une moitié de lune en sang.
Le vent furieux la travaille,
Et l’éparpille quelquefois
En rouges flammèches de paille
Contre les géantes parois ;
Mais, dans cet antre, à pleines voiles,
Le navire, hors de l’enfer,
S’élance au-devant des étoiles,
Couvert des baves de la mer.