•  
    Écoute-moi, Passant des heures, toi qui foules
    L’immesurable bloc qu’en ton rêve dompté
    Erigèrent les cent bras de ta volonté,
    Montagne d’or debout sur la brume des foules :

    Écoute-moi, quêteur du dernier horizon !
    Je suis cela qui parle au plus profond de l’Homme,
    Cela par quoi mourront tes dieux, et que l'on nomme,
    Dans la terrible nuit d’où...

  •  
    Peut-être alors ces Rois du lointain avenir,
    Dédaigneux des clameurs et des fouies trompées,
    Laissant la colère aux voix de bronze barrir
    Et siffler sur leurs fronts l’haleine des épées,
    Formes par l’ascétisme inique enveloppées,
    S’enfermeront dans le silence pour mourir.

    Mais peut-être l’un d’eux, vainement outragé,
    Qui sera le plus grand...

  •  
    Je me levai sur mes deux mains, avec effort,
    Et mon regard chercha, dans l’ombre indifférente,
    La déroute confuse et la mêlée errante
    Des enfants de la femme en marche vers la mort.
    Je les vis. Ils allaient, en troupeaux inutiles,
    Où des doigts s’arrachaient des hampes d’étendards,
    Bestiaire de bronze et de soie, où, hagards,
    Des bras nus s’...

  •  
    Vous qui dormez, laissez à l’Occident son Rêve !

    O Sages abîmés au sommeil sans mémoire,
    Sous les nappes sans fond que la réalité,
    Par son intermittente et fugace clarté,
    Argente de lumière et de ténèbres moire ;

    En qui survit peut-être, au sein des absolus,
    Vacillant souvenir de la terrestre voie,
    La conscience ultime et la...

  • Le Suffète Hamilkar gravit la rude pente
    Où l’autel consacré s’érige d’un seul bloc :
    Il s’arrête et s’adosse à la haute charpente
    Du bûcher, où déjà le feu gronde et serpente,
    Et jette au ciel des monts la gloire de Molok.

    La plaine d’Himera sous ses yeux durs s’allonge :
    Et le cœur du héros, comme son bras, est las,
    Car son regard pensif dans la...

  •  
    L’ILLUSION

    Laisse à ceux qui se croient des vivants, l’épouvante
    De sentir, dans leur forme innombrable et mouvante,
    Leur fibre s’endurcir et s’assécher leurs os,
    Dans ses lacis profonds aux mailles refroidies,
    Leur chair se faire pierre, et des veines roidies
    Epaissir les tissus et figer les réseaux.

    Laisse-leur la douleur qui...

  • LE SOIR DE LA BATAILLE,
    SUR LES GRÈVES DE L’ÎLE.

     
    FEMMES D’ATHÈNES RÉFUGIÉES A SALAMINE.
    LES GUERRIERS.
    LES MARINS.
    LES CHEFS DU PEUPLE.
    UN POÈTE.

    Apollon à portes ouvertes
    Laisse indifféremment cueillir
    Les belles feuilles toujours vertes
    Qui gardent les noms de vieillir ;
    Mais l’art d’en faire des...

  • O toi vers qui mes sens allaient sans te connaître,
    Tyran tant désiré qu’appelait tout mon être,
    Par mon sang lourd d’amour si longtemps attendu,
    Quand j’ai crié, vers toi qu’adorait mon génie,
    Ma divine agonie,
    O Phaon, c’est ta chair qui seule a répondu,

    Pour dompter de...

  •  
    De quels pôles viens-tu, Souffle ! âme du Poème ?
    Noir ouragan lyrique où la nuée essaime
          Par vols de strophes en fureur,
    O sombre esprit de l’Ode, ô chevaucheur d’orages !
    Dont l’ombre, épouvantant des océans sans plages
          Plane sur des eaux de terreur ?

    Ma force a trop longtemps souffert l’âpre et superbe
    Rébellion de ta folie...

  •  
          Les tisseuses d’ombre, au ciel taciturne,
          Ont tramé de deuil les franges du soir.
    Parmi l’inexpliqué de mon songe nocturne,
    Tranquille et souriant, je suis venu m’asseoir.

          J’ai franchi sans peur des portes étranges
          Dont l’arche sonnait à mon pas connu.
    Je viens ici t’offrir, prince des mauvais anges,
    La rançon d’un pari...