• Tu marchais tout en noir, avec un voile bleu.
    Tes cheveux blonds flottaient, rejetés en arrière ;
    Et le soleil couchant, comme un dernier adieu,
    Laissait dans tes beaux yeux palpiter sa lumière.

    Tu courais sans m’attendre au milieu des taillis.
    Tes pieds foulaient la mousse où tu t’étais assise.
    Les profondeurs du bois, à mes yeux éblouis,
    Te...

  • Il avait la face pâlotte,
    Hors le nez, rouge au renouveau ;
    D’ailleurs ami du vin nouveau,
    Paresseux comme une marmotte.

    Quelque rayon d’humeur falotte
    Lui dansait parfois au cerveau :
    Alors il pleurait comme un veau,
    Entre son grand verre et Charlotte.

    Mais il a tant biberonné,
    Si haut chanté, si bien dîné
    Qu’il est mort « la fleur...

  • Non loin du pavillon que les fleurs ont caché,
    Les jasmins en grimpant avec le chèvrefeuille,
    Couvrent le frais berceau que nous avons cherché
    Afin que notre amour s’y tienne et s’y recueille.

    L’ombre du mur voisin vient tomber à nos pieds
    Un rayon en tremblant sur ta jupe se pose.
    Le vent derrière toi, pendant que tu t’assieds,
    Balance les lilas et...

  • Des Groënlands et des Norvèges
    Vient-elle avec Seraphita ?

    C’est un parc scandinave, aux sapins toujours verts,
    Où le vent automnal courbe les fleurs d’hivers
    Dans les vases de marbre anciens sur la terrasse ;
    Et la vierge royale en qui revit la race
    Des brumeux Suénon dont son père descend,
    L’...

  • Oh ! les longs, longs baisers sur sa bouche et ses yeux,
    La chair mordue ainsi qu’un fruit délicieux,
    Et le matin, le lent enroulement des tresses,
    Les regards échangeant leurs dernières caresses,
    Les angoisses, le soir, situ ne venais pas,
    Ou les bonds de mon cœur quand j’entendais tes pas :
    Vision du passé, pourquoi m’être apparue
    Devant les deux...

  • La pleine mer moutonne au loin sur les brisants.
    Dans les rocs qu’ont usés les flots et les jusants,
    La lame écume et bout au pied de la falaise ;
    Et, debout dans le vent, la jeune Granvillaise,
    Un bras devant les yeux, regarde à l’horizon,
    Car l’équinoxe approche et voici la saison
    Où la côte normande a le plus de naufrages ;
    Et les gens sont au large...

  • La coupe où sans regret tu versas l’affreux vin
    Reste la coupe d’or d’un échanson divin !

    La nuit qui scintillait quand nous nous séparâmes
    Reste l’ombre étoilée où montaient nos deux âmes !

    La fleur qui mourra loin de tes profonds cheveux
    Reste l’œillet béni qui servait les aveux !

    Le vent qui passe et prend le baiser qu’on oublie
    Reste le messager...

  • L’Europe renaissait, et la pensée humaine
    Si longtemps prisonnière allait rompre sa chaîne ;
    Jours de lutte et de sang pleins d’ombre et de soleil.
    Déjà la Renaissance et son éclat vermeil
    Avaient illuminé la nuit sombre du cloître.
    L’esprit voulait enfin s’affranchir et s’accroître ;
    Et, bravant l’Empereur, et le Pape, et l’Enfer,
    De sa voix d’ouragan...

  • Suspendue aux rameaux plus qu’obligeants d’un frêne,
    Tu t’inclines vers l’eau limpide de la Seine :
    Ton visage charmant s’y reflète, et tu ris.
    Très-bien. C’est un miroir qui vaut ceux de Paris.
    Mais, prends bien garde, enfant ! si tout à coup le fleuve
    Te volait ton image exquise et toute neuve,
    Et s’en allait, joyeux, la porter à la mer !…
    Vois-tu...

  • Comme nous revenions du Bois, un soir de mai,
    Un de ces tièdes soirs où notre âme amollie
    Se laisse aller au fil de la mélancolie,
    Pour s’être trop mirée aux yeux de l’être aimé,

    Elle s’assit, très-triste, au fond d’une causeuse ;
    Et sur le velours sombre et vert, son front pâli
    Ressortit lumineux dans un jour affaibli,
    Le jour mystérieux et doux d’...