• L’Océan de l’Immensité
    Agite & soulève ses vagues.
    Le Soleil brille, & sa clarté
    Y fait luire des formes vagues.

    Et sans cesse, à l’appel du vent,
    Des flots montent à la surface ;
    Puis soudain ce qui fut vivant
    S’éteint, s’évanouit, s’efface.

  • J’ai suivi du regard le vol d’une hirondelle,
    Et, très-haut dans l’azur, chaque battement d’aile
    Que je n’entendais pas figurait à mes yeux
    Les signes longs ou brefs d’un rhythme harmonieux ;
    Après des coups pressés comme des cris de joie,
    Le vol s’apaise, l’aile entière se déploie
    Immobile, & bientôt l’andante grave suit
    L’allegro palpitant qui...

  • Midi. Pas d’ombre. Un ciel d’acier, pulvérulent.
    La terre, brique sombre, au soleil se fendille.
    Par moments, une odeur lointaine de vanille
    Flotte, exquise, dans l’air immobile & brûlant.

    Là-bas, longeant la mer huileuse qui scintille,
    S’alignent les maisons aux murs bas peints en blanc,
    En rose, en lilas tendre, en vert pâle, en jonquille,
    De la...

  • Chaînes qu’on rompt, prisons qu’on démantelle, grilles
    Qu’on arrache ; palais qui s’effondrent, soldats
    Et prêtres châtiés ; églises & bastilles
    Croulant dans la fumée horrible des combats !

    Effarement, clameurs furieuses des lâches
    Accroupis sous le pied des tyrans consternés !
    Cris des hommes nouveaux se ruant à leurs tâches !
    Magnanime rumeur...

  • Porphyris te consacre, ô Bakkhos, Dieu du vin,
    Ce thyrse couronné d’une pomme de pin,
    La peau de cerf, longtemps enroulée à ses hanches,
    Ce sistre, ce tambour, ces bandelettes blanches,
    Instruments et témoins de sa jeune fureur !
    Elle ne hante plus les grands bois pleins d’horreur,
    Sous le mystique van, ceinte de la nébride :
    Car sa tête blanchit et...

  • J’estime ces vieilles auberges
    Comme les villes n’en ont pas ;
    Dans leur salle, aux rideaux de serges,
    On fait d’impayables repas.

    La folle bière, aux creux des pintes,
    Prélude aux chansons du dessert ;
    Dans de grandes assiettes peintes
    Un aubergiste lent vous sert

    Quelque fruit ou bien des rillettes
    Comme les fermières en font ;
    Et...

  • N’étant plus qu’un brouillard vermeil,
    L’horizon dans la nuit recule :
    Je voudrais, comme le soleil,
    Mourir dans l’or d’un crépuscule !

    Sentir l’universel émoi,
    Suivre au loin ma trace blanchie
    Et, d’une grande ombre, après moi,
    Laisser la terre rafraîchie ;

    Descendre seul dans mon tombeau,
    Mais léguer mon âme à la nue
    Pour y...

  • Cinq heures. — Je me lève et je passe au jardin.
    O fraîcheur, ô silence, ô minute d’Éden !
    O solitude, ô paix ! l’aurore vient de naître.
    Nul voisin ne se montre encore à sa fenêtre !
    Le soleil, aux rayons à peine réveillés,
    Éclabousse de feux les feuillages mouillés.
    Tout est charmant et pur ! et mon regard se pose,
    Candide et réjoui, sur une jeune...

  • Maître de Ravenswood, le cheval allait vite
    Dont le pied labourait les dunes, ce matin,
    Lorsque du haut des monts je surpris votre fuite.

    La rosée emperlait la fougère et le thym
    Au bas du vieux donjon qui vous avait vu naître
    Et qui vous vit alors combler votre destin.

    Voici que de là-bas je crus vous reconnaître
    Aux premières lueurs qui blanchirent...

  • Un jour, — pardonnez-moi ce crime, ô grands plastiques !
    Un jour, je promenais dans le Louvre, aux Antiques,
    Mes rêves d’art intime et de modernité.
    Le Musée est très-frais et très-calme, en été.
    Après le Carrousel torride et son asphalte,
    Il est doux, par les jours trop chauds, d’y faire halte ;
    Car la sérénité des vieux marbres d’Hellas
    Rafraîchit le...