• A la voix de Jésus Lazare s’éveilla.
    Livide, il se dressa debout dans les ténèbres ;
    Il sortit tressaillant dans ses langes funèbres,
    Puis, tout droit devant lui, grave et seul s’en alla.

    Seul et grave, il marcha depuis lors dans la ville,
    Comme cherchant quelqu’un qu’il ne retrouvait pas ;
    Et se heurtant partout, à chacun de ses pas,
    Aux choses de la...

  • La blanche Vérité dort au fond d’un grand puits.
    Plus d’un fuit cet abîme ou n’y prend jamais garde ;
    Moi, par un sombre amour, tout seul je m’y hasarde,
    J’y descends à travers la plus noire des nuits.

    Et j’entraîne le câble aussi loin que je puis ;
    Or je l’ai déroulé jusqu’au bout, je regarde,
    Et, les bras étendus, la prunelle hagarde,
    J’oscille sans...

  • Le fossoyeur fut le premier
    Laboureur du monde où nous sommes.
    La mort l’a choisi pour fermier,
    Dans les champs il sème des hommes.

    Il sème. Il ne voit rien venir
    Lorsqu’au printemps poussent les herbes ;
    Il faut des siècles d’avenir
    Pour que germent ces grains superbes.

    Qu’importe ! sa maîtresse est là
    Qui lui met de l’argent en poche....

  • Dans un parc oublié dont le silence amorce
    Les rêveurs, sentinelle ancienne du seuil,
    Le grand arbre muet isole son orgueil,
    Et vers le ciel étend ses branches avec force.

    Son tronc noir se raidit musculeux comme un torse,
    Et son cœur dépouillé ferait un bon cercueil.
    Il a l’air de porter l’empreinte d’un long deuil,
    Et l’âge a sillonné profondément l...

  • Sous les rayons vivants de tes chaudes prunelles
    Le jardin de mon cœur fleurit abondamment,
    Et l’encens de ses fleurs transparentes et belles
    Parfume la splendeur tiède du ciel charmant.

    La fraîcheur des ruisseaux baigne d’un doux murmure
    Le sommeil lent et sourd des bois extasiés :
    Le vent harmonieux bruit sous leur ramure
    Et les gazhels d’Hudhud...

  • Las des pédants de Salamanque
    Et de l’école aux noirs gradins,
    Je vais me faire saltimbanque
    Et vivre avec les baladins.

    Que je couche entre quatre toiles,
    La nuque sur un vieux tambour,
    Mais que la fraîcheur des étoiles
    Baigne mon front brûlé d’amour.

    Je consens à risquer ma tête
    En jonglant avec des couteaux,
    Si le vin, ce but de...

  • Qu’il est inquiet, le mercure !
    — Inquiet autant que mon cœur ! —
    Quand une surface bien pure
    Étale sous lui sa longueur.

    Il hésite, il palpite, il tremble,
    Inquiet, sans but et sans loi.
    Oh ! comme mon cœur lui ressemble
    Lorsque mon cœur est loin de toi.

    Mais quand, épanchant ma tristesse
    Dans le ciel rêveur de tes yeux,
    Je vois l’...

  • Ta colère triomphe, ô Kâla ! nul refuge.
    Bleue encor des poisons de l’océan lacté,
    Ta sombre gorge avait amassé le déluge.

    Telle qu’un grand ravin par Marût habité,
    Ta narine profonde a soufflé la tourmente
    Sur l’incendie issu de ton œil irrité.

    Où sont les vastes cieux et la terre charmante ?
    Hélas ! toute la vie et toute la beauté
    Gisent sous...

  • Il n’avait qu’un habit vert,
    Un mince habit tout en loques,
    Et ses dents claquaient l’hiver,
    Comme un pendant de breloques.

    Loin des boulevards sablés
    Il traînait par la ruelle
    Ses vieux souliers éculés
    Et sa pensée immortelle.

    On l’a vu passer souvent
    Souriant d’un air étrange,
    Inspiré, cheveux au vent,
    Bohémien à face d’ange...

  • Allongeant dans l’air vide un regard hébété,
    Les pingouins sont groupés aux pointes des presqu’îles,
    Et la mer saute autour de ces spectres tranquilles,
    Immobiles témoins de sa mobilité.

    On ne les verra pas s’élancer dans l’orage,
    Car leurs pauvres moignons ne peuvent voltiger,
    Le ciel les déshérite, et, s’ils veulent nager,
    L’Océan dédaigneux les...