•  

    ON aime trop souvent toutes sortes de choses ;
    On s’encombre le cœur de petites amours,
    D’attachements légers nés de futiles causes,
    Comme d’actes sans but on appauvrit ses jours.

    Et quand l’instant arrive où la grande tendresse
    Cherche où s’épanouir en toute liberté,
    Elle vient gravement, la sainte enchanteresse,
    Et frappe, et trouve un cœur...

  •  

    DERNIER Soleil d’hiver sur la neige dernière,
    Qui détrempes la route où se creuse l’ornière ;
    Soleil clair, que les vents continuels du Nord,
    En passant, ont terni, comme un grand disque d’or ;
    Soleil pâle qui meurs et qui renaîtras rouge
    Sur une neige rose et blanche encor, qui bouge
    Aux branches des pommiers et s’éparpille au sol ;
    Qui fais...

  •  

    SOUVENT, pour une phrase, un mot, votre douceur
    Votre sollicitude inquiète de sœur,
    S’irritent, et vos yeux, qui rient avec vos lèvres,
    Deviennent fiers et froids, pleins de mauvaise fièvre
    La défiance à votre front hautain paraît,
    Votre amour inscrivant sur lui son mal secret.
    Vous avez la voix brève et la parole dure…
    Ah ! vous ne pouvez pas...

  •  

    JE regrette les yeux qui jadis m’ont souri
    Parce que je fus pâle et que ma chair souffrit ;
    Malgré ce que le temps en nous efface ou voile,
    De leurs regards émus ma mémoire s’étoile.
    Je me suis fait moi-même un ciel intérieur
    Que l’esprit de ce siècle incrédule et railleur
    Ne pourrait dépeupler de mes visions chères.
    J’ai suspendu trop haut...

  •  

    LES jours ont fui, pareils a des oiseaux sauvages, ―
    Des oiseaux blancs, des oiseaux gris, des oiseaux noirs, ―
    Qui s’en vont sans retour vers de lointains rivages,
    Bonheurs, tristesses, deuils, rires, sanglots, espoirs…

    Les jours ont fui, pareils à des oiseaux sauvages.

    En silence, ils se sont envolés pour toujours,
    Emportés par l’élan de leurs...

  •  

    CEUX qui veulent capter, comme un oiseau céleste,
    Le rêve pour l’enclore en un vers immortel,
    Après l’effort, ceux-là savent ce qu’il en reste,
    Et mâchent un dégoût plus amer que le fiel !

    Donc, le labeur est vain, puisque l’image est fausse,
    Comme au reflet menteur d’un miroir déformant,
    Le Verbe, refusant plus souvent qu’il n’exauce,
    N’a...

  •  

    LE soleil apparaît ; enfin, la maison luit.
    Des gouttes d’eau, le long des fils télégraphiques,
    Glissent l’une après l’autre et reflètent, magiques,
    Le bleu du ciel où le dernier nuage fuit.

    Mets ton front ténébreux à la vitre mouillée,
    Emplis de clarté douce et d’infini tes yeux ;
    Pendant que les rayons se donnent, sois joyeux
    Et relève ton...

  •  

    J’OUVRE un livre, et c’est comme une voix que j’entends.
    Un visage adorable apparaît dans les lignes.
    Si je lis Rodenbach, je vois nager des cygnes
    Sur des canaux et dans la brume aux plis flottants.

    Je vois des ciels, des mers, des jardins éclatants,
    Par le miraculeux pouvoir de petits signes ;
    Et j’...

  •  

    LORSQUE je serai mort, ― puisqu’il nous faut mourir, ―
    Mon âme reviendra sur la terre souffrir
    Avec vous, que l’exil ténébreux enlinceule,
    Afin qu’en votre nuit vous ne soyez pas seule.
    J’ai trop souvent pleuré vos chagrins ici-bas,
    Pour que de l’infini je ne descende pas
    Reprendre cette grave et fidèle habitude
    D’essuyer vos beaux yeux battus...

  •  

    C’EST toujours à vos pieds, Seigneur, que je reviens
    Lorsque je souffre trop et que j’ai l’âme triste ;
    A votre grâce auguste aucun mal ne résiste :
    Vous êtes, ici-bas, le meilleur des soutiens.

    Vos deux bras étendus sur la croix disent : Viens !
    Oublie, en m’adorant, tout ce monde égoïste
    Par qui tant de douleur injustement existe ;
    En...