• I

    Malheur à l'enfant de la terre,
    Qui, dans ce monde injuste et vain,
    Porte en son âme solitaire
    Un rayon de l'esprit divin !
    Malheur à lui ! l'impure envie
    S'acharne sur sa noble vie,
    Semblable au Vautour éternel,
    Et, de son triomphe irritée,
    Punit ce nouveau Prométhée
    D'avoir ravi le feu du ciel !

    La...

  •  
    Le souffle inspirateur qui fait de l'âme humaine
                Un instrument mélodieux
    Dédaigne des palais la pompe souveraine :
    Que sont la pourpre et l'or à qui descend à peine
                Des palais rayonnants des cieux ?

    Il s'abat au hasard sur l'arbre solitaire,
                Sur la cabane des pasteurs,
    Sous le chaume...

  • Mais quel Astre, étalant son écharpe d’albâtre,
    Blanchit des vastes Cieux le pavillon bleuâtre ?
    Laissez-moi contempler, du front de ces coteaux,
    Ce disque réfléchi qui tremble sur les eaux !
    Liée à nos destins par droit de voisinage,
    La Lune nous échut à titre d’apanage ;...

  • De ses flancs ondulés quand j’ai vu la blancheur,
    Quand j’ai vu ses deux bras relevés sur sa tête,
    Comme au sommet vermeil d’une amphore de Crète
    Les deux anses du bord qui s’élèvent en chœur,

    O mort des anciens jours, j’ai compris ta douceur,
    Le charme évanoui de ton œuvre muette,
    Lorsqu’insensiblement tu couvrais de pâleur
    Un profil corinthien de...

  • Il est, dans les instans que Dieu lui fit, un âge
    Où l’homme de génie au cœur sent un orage.
    C’est l’âge où règne en lui ce tumulte confus
    D’inutiles efforts et de vœux superflus ;
    Où de vagues soucis son ame est agitée ;
    Où des rêves sans fin tourmentent sa pensée ;

    Où...

  •  
    Avez-vous vu la lune solitaire
    À l’horizon se former lentement ?
    Ce n’est d’abord qu’une vapeur légère,
    Qu’un blanc nuage indécis et flottant.
    Bientôt, la nuit épaississant ses voiles,
    L’orbe céleste a pris plus de rondeur ;
    Il s’illumine, il s’entoure d’étoiles,
    Et brille enfin de toute sa splendeur.

    Tel à nos yeux s’annonce le génie ;...

  • (A M. de Bonald)

    Ainsi, quand parmi les tempêtes,
    Au sommet brûlant du Sina,
    Jadis le plus grand des prophètes
    Gravait les tables de Juda;
    Pendant cet entretien sublime,
    Un nuage couvrait la cime
    Du mont inaccessible aux yeux,
    Et, tremblant aux coups du tonnerre,
    Juda, couché dans la poussière,
    Vit ses lois descendre des cieux.
    ...

  • Il est dit qu'une fois, sur les arides plaines
    Qui s'étendent là-bas dans les vieilles forêts,
    L'esprit des noirs brouillards qui couvrent ces domaines
    Dormit à l'ombre d'un cyprès.

    Mais il n'était pas seul : l'air pensif, en cadence,
    Pressés autour de lui, des hommes s'agitaient ;
    Un chant rompit bientôt leur lugubre silence :
    Voici quel chant ils...

  • Sonnet

    Comme un pur stalactite, oeuvre de la nature,
    Le génie incompris apparaît à nos yeux.
    Il est là, dans l'endroit où l'ont placé les Cieux,
    Et d'eux seuls, il reçoit sa vie et sa structure.

    Jamais la main de l'homme assez audacieuse
    Ne le pourra créer, car son essence est pure,
    Et le Dieu tout-puissant le fit à sa figure ;
    Le...