Le Génie dans l’obscurité

 
Le souffle inspirateur qui fait de l'âme humaine
            Un instrument mélodieux
Dédaigne des palais la pompe souveraine :
Que sont la pourpre et l'or à qui descend à peine
            Des palais rayonnants des cieux ?

Il s'abat au hasard sur l'arbre solitaire,
            Sur la cabane des pasteurs,
Sous le chaume indigent des pauvres de la terre,
Et couve en souriant un glorieux mystère
            Dans un berceau mouillé de pleurs.

C'est Homère endormi qu'une esclave sans maître
            Réchauffe de son seul amour ;
C'est un enfant chassé de l'ombre de son hêtre,
Qui pleure les chevreaux que ses pas menaient paître,
            Et qui sera Virgile un jour !

C'est Moïse flottant dans un berceau fragile
            Sur l'onde, au hasard des courants,
Que l'éclair du Sina visite entre cent mille,
Pendant qu'il fend le marbre ou qu'il pétrit l'argile
            Pour la tombe de ses tyrans !

Ainsi l'instinct caché dans la nature entière
            Mûrit pour l'immortalité :
La perle au fond des mers, l'or au sein de la pierre,
Le diamant dans l'ombre où languit sa lumière,
            La gloire dans l'obscurité ;

La gloire, oiseau divin, phénix né de lui-même,
            Qui vient tous les cent ans, nouveau,
Se poser sur la terre et sur un nom qu'il aime,
Et qu'on y voit mourir ainsi que son emblème,
            Mais dont nul ne sait le berceau !

Ne t'étonne donc pas qu'un ange d'harmonie
            Vienne d'en haut te réveiller :
Souviens-toi de Jacob ! Les songes du génie
Descendent sur des fronts qui n'ont dans l'insomnie
            Qu'une pierre pour oreiller.

Moi-même, plein des biens dont l'opulence abonde,
            Que je changerais volontiers
Cet or, dont la fortune avec dédain m'inonde,
Pour une heure du temps où je n'avais au monde
            Que ma vigne et que mes figuiers ;

Pour ces songes divins qui chantaient dans mon âme,
            Et que nul or ne peut payer,
Pendant que le soleil baissait, et que la flamme
Que ma mère allumait, ainsi qu'une humble femme,
            Eclairait son étroit foyer,

Et qu'assis autour d'elle à la table de hêtre
            Que nous préparait son amour,
Nous rendions grâce à Dieu de ce repas champêtre,
Riche des simples fruits que le champ faisait naître,
            Et d'un pain qui suffit au jour !

 
Le souffle inspirateur qui fait de l'âme humaine
            Un instrument mélodieux
Dédaigne des palais la pompe souveraine :
Que sont la pourpre et l'or à qui descend à peine
            Des palais rayonnants des cieux ?

Il s'abat au hasard sur l'arbre solitaire,
            Sur la cabane des pasteurs,
Sous le chaume indigent des pauvres de la terre,
Et couve en souriant un glorieux mystère
            Dans un berceau mouillé de pleurs.

C'est Homère endormi qu'une esclave sans maître
            Réchauffe de son seul amour ;
C'est un enfant chassé de l'ombre de son hêtre,
Qui pleure les chevreaux que ses pas menaient paître,
            Et qui sera Virgile un jour !

C'est Moïse flottant dans un berceau fragile
            Sur l'onde, au hasard des courants,
Que l'éclair du Sina visite entre cent mille,
Pendant qu'il fend le marbre ou qu'il pétrit l'argile
            Pour la tombe de ses tyrans !

Ainsi l'instinct caché dans la nature entière
            Mûrit pour l'immortalité :
La perle au fond des mers, l'or au sein de la pierre,
Le diamant dans l'ombre où languit sa lumière,
            La gloire dans l'obscurité ;

La gloire, oiseau divin, phénix né de lui-même,
            Qui vient tous les cent ans, nouveau,
Se poser sur la terre et sur un nom qu'il aime,
Et qu'on y voit mourir ainsi que son emblème,
            Mais dont nul ne sait le berceau !

Ne t'étonne donc pas qu'un ange d'harmonie
            Vienne d'en haut te réveiller :
Souviens-toi de Jacob ! Les songes du génie
Descendent sur des fronts qui n'ont dans l'insomnie
            Qu'une pierre pour oreiller.

Moi-même, plein des biens dont l'opulence abonde,
            Que je changerais volontiers
Cet or, dont la fortune avec dédain m'inonde,
Pour une heure du temps où je n'avais au monde
            Que ma vigne et que mes figuiers ;

Pour ces songes divins qui chantaient dans mon âme,
            Et que nul or ne peut payer,
Pendant que le soleil baissait, et que la flamme
Que ma mère allumait, ainsi qu'une humble femme,
            Eclairait son étroit foyer,

Et qu'assis autour d'elle à la table de hêtre
            Que nous préparait son amour,
Nous rendions grâce à Dieu de ce repas champêtre,
Riche des simples fruits que le champ faisait naître,
            Et d'un pain qui suffit au jour !

Collection: 
1810

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