• La Vierge n’est plus folle. Un malaise d’amour
    La tient presque mourante au fond d’une vallée
    Et pèse avec langueur sur sa gorge troublée
    Comme le vent du soir sur un raisin trop lourd.

    Son œil à demi clos veut oublier le jour.
    Vénus mélancolique, à l’ombre d’une allée
    Sous un effort de vie elle tombe accablée,
    Car son cœur était large et le temps...

  • Vous me grondez, amis, de tant parler des morts !
    Ma voix, de jour en jour, traîne plus monotone :
    Tels, quand l’arbre a senti les rafales d’automne,
    Les rameaux dépouillés ont de plus sourds accords.

    J’en parle encor trop peu : c’est le seul de mes torts !
    Si je songeais à ceux dont le départ m’étonne,
    Combien je maudirais ma gaîté qui détonne !
    Le...

  • Nous bénissons la douce Nuit,
    Dont le frais baiser nous délivre.
    Sous ses voiles on se sent vivre
    Sans inquiétude et sans bruit.

    Le souci dévorant s’enfuit ;
    Le parfum de l’air nous enivre ;
    Nous bénissons la douce Nuit,
    Dont le frais baiser nous délivre.

    Pâle songeur qu’un Dieu poursuit,
    Repose-toi, ferme ton livre.
    Dans les cieux...

  • La Paix, au milieu des moissons,
    Allaite de beaux enfants nus.
    A l’entour, des chœurs ingénus
    Dansent au doux bruit des chansons.

    Le soleil rit dans les buissons,
    Et sous les vieux arbres chenus
    La Paix, au milieu des moissons,
    Allaite de beaux enfants nus.

    Les fleurs ont de charmants frissons.
    Les travailleurs aux bras charnus,
    ...

  • Nommez votre pays de ce nom : la patrie !
    Après celui de Dieu, c’est le nom du devoir.
    Prononcez-le toujours avec idolâtrie,
    Ce nom qui vous oblige au combat, à l’espoir.

    Si quelqu’un, se disant le citoyen du monde,
    Insulte à votre amour du haut de sa raison,
    Ce mot : l’Humanité, sur sa lèvre inféconde...

  • Les aspects sont divers de cette morne auberge
    Qu’on nomme l’hôpital. Le vice et la vertu
    Y souffrent à la fois. On met mourir la vierge
    Au lit que, pour mourir, une impure avait eu.

    Martyrs et châtiés sont sur la même ligne,
    Et la fatalité heurte le dévoûment.
    On n’a dans le dortoir qu’un numéro pour signe ;
    L’indifférence à tous fait froid également...

  • Plus prompte que la vague aux perfides caresses,
    Plus prompte que l’aurore aux menteuses promesses,
    Plus prompte que la nuit aux brûlantes ivresses,
    Tu vins et t’en allas !

    Comme une terre nue et par l’hiver mouillée,
    Comme une nuit sans rêve et d’astres dépouillée,
    Comme...

  • La petite rivière, bleue
    Si peu que le ciel ait d’azur,
    D’ici fait encore une lieue,
    Puis verse au fleuve son flot pur.

    Plus grande, elle serait moins douce,
    Elle n’aurait pas la lenteur
    Qui dans les herbes mène et pousse
    Son cours délicat et chanteur.

    Elle n’aurait pas de prairies
    Plus vertes si près de la main,
    Non plus que ces...

  • Le pêcheur, vidant ses filets,
    Voit les poissons d’or de la Loire
    Glacés d’argent sur leur nageoire
    Et mieux vêtus que des varlets.

    Teints encor des ardents reflets
    Du soleil et du flot de moire,
    Le pêcheur, vidant ses filets,
    Voit les poissons d’or de la Loire.

    Les beaux captifs, admirez-les !
    Ils brillent sur la terre noire,
    ...

  • La campagne était fraîche et tout ensoleillée ;
    Le souffle du matin passait les blés verts,
    Et je marchais dans l’herbe odorante et mouillée
    En récitant des vers.

    J’étais gai, bien portant, et libre au fond de l’âme ;
    J’avais enfin dompté mon douloureux amour,
    Et nul amer...