Le Parnasse contemporain/1876/La Note qui pleure

Vous me grondez, amis, de tant parler des morts !
Ma voix, de jour en jour, traîne plus monotone :
Tels, quand l’arbre a senti les rafales d’automne,
Les rameaux dépouillés ont de plus sourds accords.

J’en parle encor trop peu : c’est le seul de mes torts !
Si je songeais à ceux dont le départ m’étonne,
Combien je maudirais ma gaîté qui détonne !
Le rire, à peine éteint, me laisse son remords.

Ma main, sur le clavier qu’elle anime à son heure,
Retombe chaque fois sur la note qui pleure,
Et module à l’entour des chants plus sérieux ;

Tandis que la pédale, obstinément pressée,
Prolonge cette note en sons mystérieux,
Ainsi qu’un glas funèbre, écho de ma pensée !

Collection: 
1971

More from Poet

  • L’aïeul, tranquille à l’ombre, aime à lire un vieux livre,
    Quand le soleil du soir empourpre l’horizon ;
    L’active ménagère ordonne sa maison,
    Et se mire, en passant, dans les grands plats de cuivre ;

    Il faut aux bruns enfants que la chaleur enivre
    Des fruits qu’on...

  • Donnez la même tombe aux deux êtres aimés :
    Qu’ils soient dans l’inconnu côte à côte enfermés !
    Ramenez, s’il est loin, celui que l’autre pleure.
    Un seul amour demande une seule demeure ;
    Et c’est une souffrance à torturer un mort,
    De ne point reposer au lit où l’...

  • Vous me grondez, amis, de tant parler des morts !
    Ma voix, de jour en jour, traîne plus monotone :
    Tels, quand l’arbre a senti les rafales d’automne,
    Les rameaux dépouillés ont de plus sourds accords.

    J’en parle encor trop peu : c’est le seul de mes torts !
    Si je...

  • La jeunesse en sa fleur première :
    L’orgueil farouche du devoir ;
    L’impatience de savoir,
    Jugeant courte une vie entière ;

    Tout ce qui parle de lumière ;
    Tout ce qui répugne à déchoir ;
    Tout ce qui peut germer d’espoir :
    Nous avons tout mis dans la...

  • Mon esprit, comme un somnambule,
    Hante la crête des grands murs.
    Mes pas jamais ne sont plus sûrs
    Qu’au bord des toits où je circule.

    Dans les ténèbres je vois clair :
    Les yeux sont clos, mais l’âme ouverte ;
    Et j’avance à la découverte
    Dans la molle...