Jeunes filles qui brodez
En suivant des songeries,
Seules sur vos galeries,
Ou qui dehors regardez,
Comme des oiseaux en cage,
Si j'en avais le courage
Vers l'une de vous j'irais
- Dieu sait encore laquelle,
La plus triste ou la plus belle -
Et d'un ton simple dirais :
- " Vous êtes celle, peut-être,
Qui m'apparaît si souvent...
-
-
Le grand désir du plaisir admirable
Se doit nourrir par un contentement
De souhaiter chose tant agréable.
Que tout esprit peut ravir doucement.
Ô que le fait doit être grandement
Rempli de bien, quand pour la grand'envie
On veut mourir, s'on ne l'a promptement :
Mais ce mourir engendre une autre vie.
(Rymes XIV) -
Celuy n'est pas heureux qui n'a ce qu'il desire,
Mais bien-heureux celuy qui ne desire pas
Ce qu'il n'a point : l'un sert de gracieux appas
Pour le contentement et l'autre est un martyre.
Desirer est tourment qui bruslant nous altere
Et met en passion ; donc ne desirer rien
Hors de nostre pouvoir, vivre content du sien
Ores qu'il fust petit, c'est... -
Avant que mon désir douloureux soit comblé
D'un amour qui l'apaise enfin ou dont je meure,
Entendrai-je souvent encor la mer du blé
Bruire aux alentours de ma chère demeure ?
Trop de fois, taciturne et sombre, et regardant
Mes chiens souples bondir à travers l'herbe haute,
J'ai dispersé ton feu stérile, ô coeur ardent,
A tous les vents du soir qui... -
J'ai grand désir
D'avoir plaisir
D'amour mondaine :
Mais c'est grand peine,
Car chaque loyal amoureux
Au temps présent est malheureux :
Et le plus fin
Gagne à la fin
La grâce pleine. -
J'ai dit à mon désir : pense à te bien guider,
Rien trop bas, ou trop haut, ne te fasse distraire.
Il ne m'écouta point, mais jeune et volontaire,
Par un nouveau sentier se voulut hasarder.
Je vis le ciel sur lui mille orages darder,
Je le vis traversé de flamme ardente et claire,
Se plaindre en trébuchant de son vol téméraire,
Que mon sage... -
Ode anacréontique
Souffle divin, puissant moteur,
Dont les impressions soudaines
Font couler le feu dans nos veines,
Et le plaisir dans notre coeur :
Désir, j'adore ton ivresse,
Tes traits rapides et brûlants,
Et tes impétueux élans,
Et ta langueur enchanteresse...
Vents, taisez-vous, faunes ardents
Cessez votre lutte... -
Je sais la vanité de tout désir profane.
A peine gardons-nous de tes amours défunts,
Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
Y laisse d'âme et de parfums.
Ils n'ont, les plus beaux bras, que des chaînes d'argile,
Indolentes autour du col le plus aimé ;
Avant d'être rompu leur doux cercle fragile
Ne s'était pas même fermé.
... -
L'ardent désir, qui d'espérer m'abuse,
Si bien la voie au penser d'Amour montre,
Que bien souvent devant moi je rencontre
Celle pour qui tant, et tant de pas j'use.
Mais quand ma douce, et cruelle Méduse
Fait à mes yeux de soi si belle montre,
L'esprit vital, d'admirable rencontre
Tout éperdu, son devoir me refuse.
Vraiment aussi point... -
Quand le désir de ma haute pensée,
Me fait voguer en mer de ta beauté,
Espoir du fruit de ma grand' loyauté,
Tient voile large à mon désir haussée.
Mais cette voile ainsi en l'air dressée,
Pour me conduire au port de privauté,
Trouve en chemin un flot de cruauté,
Duquel elle est rudement repoussée.
Puis de mes yeux la larmoyante pluie...