• Près de moi se tenait une femme si douce
    Que moins doux est un nid fait de plume et de mousse.
    Le sourire dormait sur sa lèvre ; ses mains
    Caressantes avaient des senteurs de jasmins ;
    Ses bras semblaient promettre une étreinte profonde.
    Elle était pâle avec la chevelure blonde.
    Ni mouvement ni souffle. Un charme plein d’effroi
    Tombait de son visage...

  • Ce fut un soir d’hiver que ce vaste cadavre
    De ville m’apparut ; je n’oublierai jamais
    Ses mornes carrefours sans rumeurs, ses palais
    Vides et délabrés dont l’aspect glace et navre.

    Le vent faisait plier des arbres rabougris
    Sur les larges remparts pleins de mélancolie ;
    Les bastions croulaient, inondés par la pluie
    Qui tombait lentement de lourds...

  • La vie avance et fuit sans ralentir le pas ;
    Et la mort vient derrière à si grandes journées,
    Que les heures de paix qui me furent données
    Me paraissent un rêve et comme n’étant pas.

    Je m’en vais mesurant d’un sévère compas
    Mon sinistre avenir, et vois mes destinées
    De tant de maux divers sans cesse environnées,
    Que je veux me donner de moi-même au...

  • Quand, les temps accomplis, sous les faisceaux romains
    Mourante, se tordait la cité de Minerve,
    (Car, splendeur, et génie, et grâce, tout s’énerve !)
    On la vit vers le ciel tendre ses blanches mains ;

    Remplissant ses palais, le port et les chemins
    De soupirs cadencés, que l’avenir conserve ;
    Et la muse, qui tient les grands pleurs en réserve,
    Pleura...

  • Sur ce rivage au sable lisse
    Le bain d’hier fut un délice ;
    L’Océan n’était plus amer :
    Dans les eaux d’une jeune blonde,
    Comme un Triton, j’aimais dans l’onde,
    Et comme à Paris, dans la mer.

    Je disais au flux de la lame :
    « — Que m’apportez-vous de la dame,
    » Vous si retors en vos larcins ? » —
    Et moi, qui pour un rien divague,
    Je...

  • Claire est la nuit, limpide est l’onde ;
    Les astres, faisant leur miroir
    De la nappe large et profonde,
    Y sont encor plus doux à voir.

    Un bois entr’ouvre sur la rive
    Des clairières pour les élus ;
    Trop tôt quelque laideur arrive.
    O les rameurs, ne ramez plus.

    Le ciel verse la somnolence,
    La terre la boit à longs traits ;
    La brise...

  • Il est de tristes fleurs qui fleurissent fanées,
    Aux crevasses des murs, sur les tours ruinées ;
    Le soleil les accable, et le vent orageux
    Les déchire, cruel comme nous dans ses jeux.
    On les voit cependant, qui se pressent d’éclore,
    Comme si dans leur sein devait pleurer l’aurore ;
    Comme si la bergère, en l’effeuillant, un jour,
    Y devait consulter l’...

  • Un soir je m’arrêtai devant une boutique
    Où gisait pêle-mêle un amas surprenant
    D’armes et de vieux pots qu’un brocanteur sceptique
    Avait entassés là pour vendre à tout venant.

    Le long des murs jaunis comme de vieilles pipes
    On pouvait entrevoir dans les angles profonds
    Quelques groupes piteux de lamentables nippes,
    Vaniteux oripeaux transformés en...

  • La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
    Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
    D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
    Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux,
    Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe,
    O nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
    Sur le vide papier que la blancheur défend,
    Et ni la...

  • Hier, à l’heure où l’essaim folâtre
    Des romanesques visions
    Dans les campagnes de théâtre
    Vient tenter nos illusions,

    Ardeur, jeunesse, fantaisie,
    Vous avez, — O Concepcion !
    O bel oiseau de poésie,
    Éclos aux bois où Caldéron

    Aimait à voir sous la ramée
    Passer les muses au grand vol ! —
    Converti mon âme charmée
    Aux douceurs du...