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    Voici : la fin de la demi-journée approche ;
    Et l’on travaille bien en attendant la cloche.
    Onze heures. On déserte en foule l’atelier.
    L’ouvrier va manger, et peut-être lier
    Connaissance avec cette enfant, frêle ouvrière,
    Chez le traiteur fumeux où l’on sert l’ordinaire.
    Mais l’apprenti n’a pas de ces luxes. Avec
    Une saucisse plate et deux...

  • Volupté des parfums ! ? Oui, toute odeur est fée.
    Si j'épluche, le soir, une orange échauffée,
    Je rêve de théâtre et de profonds décors ;
    Si je brûle un fagot, je vois, sonnant leurs cors,
    Dans la forêt d'hiver les chasseurs faire halte ;
    Si je traverse enfin ce brouillard que l'asphalte
    Répand, infect et noir, autour de son chaudron,
    Je me crois sur un quai...

  • Toute allégresse a son défaut
    Et se brise elle-même.
    Si vous voulez que je vous aime ;
    Ne riez pas trop haut.

    C'est à voix basse qu'on enchante
    Sous la cendre d'hiver
    Ce coeur, pareil au feu couvert,
    Qui se consume et chante.

  • Toute grâce et toutes nuances
    Dans l'éclat doux de ses seize ans,
    Elle a la candeur des enfances
    Et les manèges innocents.

    Ses yeux, qui sont les yeux d'un ange,
    Savent pourtant, sans y penser,
    Eveiller le désir étrange
    D'un immatériel baiser.

    Et sa main, à ce point petite
    Qu'un oiseau-mouche n'y tiendrait,
    Captive sans espoir de...

  • Vous qui sur mon front, toute en larmes,
    Pressez vos yeux pour ne plus voir
    Les feuilles du berceau de charmes
    Sur le sable humide pleuvoir,

    Dans le brouillard funèbre où glissent
    Ces ombres des jours révolus,
    Pauvre enfant dont les cils frémissent,
    Vous qui pleurez, ne pleurez plus.

    Car bientôt, dans les avenues,
    Décembre...

  • Puisque le gai printemps revient danser et rire,
    Puisque le doux Horace et que le doux Zéphyre
    M'attendent au milieu des prés et des buissons,
    L'un avec des parfums, l'autre avec des chansons,
    Puisque la terre en fleurs semble un tapis de Perse,
    Puisque le vent murmure et dans l'azur disperse
    La brume et la nuée en flottants archipels,
    Il me plaît de...

  • Je t'adore. Soyons deux heureux. Viens t'asseoir
    Dans une ombre qui soit un peu semblable au soir.
    Marchons bien doucement. Sois pensive. Sois lasse.
    Profitons du moment où personne ne passe ;
    Entrons dans le hallier, cachés par les blés mûrs.

    Que ne puis-je élever brusquement quatre murs
    Ici, dans ce coin chaste, et d'un coup de baguette !
    La...

  • Or, nous cueillions ensemble la pervenche.

    Je soupirais, je crois qu'elle rêvait.
    Ma joue à peine avait un blond duvet.
    Elle avait mis son jupon du dimanche ;
    Je le baissais chaque fois qu'une branche
    Le relevait.

    Et nous cueillions ensemble la pervenche.

    Le diable est fin, mais nous sommes bien sots.
    Elle s'assit sous de charmants...

  • J'allais au Luxembourg rêver, ô temps lointain,
    Dès l'aurore, et j'étais moi-même le matin.
    Les nids dialoguaient tout bas, et les allées
    Désertes étaient d'ombre et de soleil mêlées ;
    J'étais pensif, j'étais profond, j'étais niais.
    Comme je regardais et comme j'épiais !
    Qui ? La Vénus, l'Hébé, la nymphe chasseresse.
    Je sentais du printemps l'invisible...

  • Nous étions seuls dans l'ombre et l'extase suprême.
    Elle disait : je t'aime ! et je disais : je t'aime !
    Elle disait : toujours ! et je disais : toujours !
    Elle ajoutait : nos coeurs sont époux, nos amours
    Vaincront la destinée, et rien ne me tourmente,
    Étant, toi le plus fort, et moi, la plus aimante.
    Et moi, je reprenais : la ville est sombre, vois.
    ...