• Le tiède après-midi paisible de septembre
    Languit sous un ciel gris, mélancolique et tendre,
    Pareil aux derniers jours d'un amour qui s'achève.
    Après les longs et vains et douloureux voyages,
    Le solitaire, ouvrant sans bruit la grille basse,
    Rentre ce soir dans le logis de sa jeunesse.

    Ah ! comme tout est lourd, comme tout sent l'automne !
    Comme...

  • Un des consuls tué, l'autre fuit vers Linterne
    Ou Venuse. L'Aufide a débordé, trop plein
    De morts et d'armes. La foudre au Capitolin
    Tombe, le bronze sue et le ciel rouge est terne.

    En vain le Grand Pontife a fait un lectisterne
    Et consulté deux fois l'oracle sibyllin ;
    D'un long sanglot l'aïeul, la veuve, l'orphelin
    Emplissent Rome en deuil que...

  • L'âpre rugissement de la mer pleine d'ombres,
    Cette nuit-là, grondait au fond des gorges noires,
    Et tout échevelés, comme des spectres sombres,
    De grands brouillards couraient le long des promontoires.

    Le vent hurleur rompait en convulsives masses
    Et sur les pics aigus éventrait les ténèbres,
    Ivre, emportant par bonds dans les lames voraces
    Les bandes...

  • N'attendez pas de moi que je vais vous donner
    Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
    La nuit meurt, l'hiver fuit ; maintenant la lumière,
    Dans les champs, dans les bois, est partout la première.
    Je suis par le printemps vaguement attendri.
    Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
    Je sens devant l'enfance et devant le zéphyre
    Je ne sais...

  • Je la revois, après vingt ans, l'île où Décembre
    Me jeta, pâle naufragé.
    La voilà ! c'est bien elle. Elle est comme une chambre
    Où rien encor n'est dérangé.

    Oui, c'était bien ainsi qu'elle était ; il me semble
    Qu'elle rit, et que j'aperçois
    Le même oiseau qui fuit, la même fleur qui tremble,
    La même aurore dans les bois ;

    Il me semble...

  • Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.
    Quatrevingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
    Ne sont jamais allés à l'école une fois,
    Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
    C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
    L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
    Où rampe la raison, l'honnêteté périt.

    Dieu, le premier...

  • Le frêle esquif sur la mer sombre
    Sombre ;
    La foudre perce d'un éclair
    L'air.

    C'est minuit. L'eau gémit, le tremble
    Tremble,
    Et tout bruit dans le manoir
    Noir ;

    Sur la tour inhospitalière
    Lierre,
    Dans les fossés du haut donjon,
    Jonc ;

    Dans les cours, dans les colossales
    Salles,
    Et dans les cloîtres du...

  • Il est temps que je me repose ;
    Je suis terrassé par le sort.
    Ne me parlez pas d'autre chose
    Que des ténèbres où l'on dort !

    Que veut-on que je recommence ?
    Je ne demande désormais
    A la création immense
    Qu'un peu de silence et de paix !

    Pourquoi m'appelez-vous encore ?
    J'ai fait ma tâche et mon devoir.
    Qui travaillait avant l'aurore...

  • Mon père, ce héros au sourire si doux,
    Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous
    Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
    Parcourait à cheval, le soir d'une bataille,
    Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
    Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit.
    C'était un Espagnol de l'armée en déroute
    Qui se traînait sanglant sur le...

  • Mes colonnes sont alignées
    Au portique du feuilleton ;
    Elles supportent résignées
    Du journal le pesant fronton.

    Jusqu'à lundi je suis mon maître.
    Au diable chefs-d'oeuvre mort-nés !
    Pour huit jours je puis me permettre
    De vous fermer la porte au nez.

    Les ficelles des mélodrames
    N'ont plus le droit de se glisser
    Parmi les fils soyeux...