Le tiède après-midi paisible de septembre
Languit sous un ciel gris, mélancolique et tendre,
Pareil aux derniers jours d'un amour qui s'achève.
Après les longs et vains et douloureux voyages,
Le solitaire, ouvrant sans bruit la grille basse,
Rentre ce soir dans le logis de sa jeunesse.
Ah ! comme tout est lourd, comme tout sent l'automne !
Comme ton coeur d'enfant prodigue bat, pauvre homme,
Devant ces murs où tu laissas ta vie ancienne !
La vigne vierge rouge étreint les persiennes,
Le seuil humide et froid est obscur sous les arbres,
Et le portail, vêtu de lierre, se lézarde.
Le voyageur, avant de rouvrir les fenêtres,
Respire en défaillant l'odeur des chambres closes ;
Il regarde onduler les rideaux des alcôves
Et le miroir verdi briller dans les ténèbres.
Il pèse sur le bois gonflé, les volets crient,
La poussière voltige à la lumière triste ;
L'âme émue et les doigts tremblants, pieux, il touche
Les roseaux desséchés, le clavecin qui vibre,
Les estampes, les maroquins ouatés de mousses :
Ah ! ces mousses qui sont les cheveux blancs des livres !
L'enfant morne, oppressé de souvenirs, étouffe,
Et son fragile coeur frémit comme une vitre.
Aussi, maison, jardin, adieu, jevous bénis.
Que les printemps futurs jusqu'aux âges lointains
Vous remplissent tous deux et d'enfants et de nids !
Que les roses te soient toujours belles, jardin,
Tes longs couloirs toujours sonores, ô maison !
Adieu, pesant verger de l'arrière-saison,
Charmille... Effacez-vous, ô chères visions,
Car mes yeux sont un port de fumée où l'on voit
A travers la forêt vacillante des mâts
Les grands vaisseaux appareiller pour les climats
Qui bercent la douleur sous des cieux azurés.
Demain, plus seul, plus triste et vieux, je partirai
Mettre au tombeau le Dieu secret qui souffre en moi.
L'enfant d'exil se tait, baisse ses cils mouillés ;
Il s'enivre à mourir de son amer émoi,
Et dans son coeur le souvenir des jours dorés
Fond comme un peu de sable tiède entre les doigts.