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    La belle Métella, femme du vieux préteur,
    Est pâle maintenant, et porte dans son cœur
    Un mal secret qui la déchire ;
    Par le bois d’orangers qui borde sa villa,
    Elle marche au hasard, la belle Métella,
    Comme une bacchante en délire.

    Pour sonder jusqu’au fond l’avenir incertain,
    Vingt fois l’urne d’albâtre où roule le destin
    Sous ses...

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    À Philoxène Boyer.

    Ah ! pauvres maisons éventrées
    Par le marteau du niveleur,
    Pauvres masures délabrées,
    Pauvres nids qu’a pris l’oiseleur !

    Quand, sous le suaire des nues,
    Au bord des larges boulevards,
    Se dressent vos carcasses nues
    Comme autant de spectres blafards,

    Quand vos cloisons mal affermies
    Livrent aux...

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    J’ai voulu, le premier jour,
    Vendre mes chansons d’amour ;
    J’étais bien novice !
    Ô mes dignes manuscrits,
    L’épicier qui vous a pris
    M’a rendu service.

    Le second, j’ai, sur le quai,
    Vendu mon couvert marqué,
    Vieux meuble d’histoire,
    Où mon aïeule, en mordant,
    Cassa sa dernière dent,
    Sous le Directoire.

    Le...

  • Toute ma lampe a brûlé goutte à goutte,
    Mon feu s’éteint avec un dernier bruit.
    Sans un ami, sans un chien qui m’écoute,
    Je pleure seul, dans la profonde nuit.

    Derrière moi ― si je tournais la tête,
    Je le verrais, ― un fantôme est placé :
    Témoin fatal apparu dans ma fête,
    Spectre en lambeaux de mon bonheur passé.

    Mon rêve est mort, sans espoir...

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    Il est, en Chine, un petit dieu bizarre,
    Dieu sans pagode, et qu’on appelle Pu ;
    J’ai pris son nom dans un livre assez rare
    Qui le dit frais, souriant et trapu.

    Il a son peuple au long des poteries,
    Et règne en paix sur ces magots poupins
    Qui vont cueillant des pivoines fleuries
    Aux buissons bleus des paysages peints.

    Il vient, à l’...

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    Hier, le feu prit à la maison de celle
    Qui, l’an passé, m’entourait de ses bras ;
    Les pieds dans l’eau, trempé jusqu’à l’aisselle,
    J’ai fait la chaîne et je songeais tout bas :

    Combien de fois, au seul bruit de mes pas,
    Le portier chauve a tiré sa ficelle,
    Quand ma beauté dont l’œil noir étincelle
    Discrètement m’attendait sous les draps....

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    Sylphe léger, fils des molles rosées,
    J’aime à bondir sur les gazons en fleurs,
    Et l’arc-en-ciel aux teintes irisées
    Fait à mon front chatoyer ses couleurs ;
    Sur un brin d’herbe, en passant, je me pose,
    Et, sous mes pieds, bourdonnent les sillons ;
    J’ai, pour tunique, une feuille de rose,
    J’ai, pour voler, l’aile des papillons.

    Quand...

  • Il est jeune, il est pâle ― et beau comme une fille.
    Ses longs cheveux flottants d’un nœud d’or sont liés,
    La perle orientale à son cothurne brille,
    Il danse ― et, secouant sa torche qui pétille,
    À l’entour de son cou fait claquer ses colliers.

    Tout frotté de parfums et la tête luisante,
    Il passe en souriant et montre ses bras nus.
    Un lait pur a lavé...

  • J’adore à présent l’héritière
    Du vieux fossoyeur aux bras noirs.
    Je suis fidèle tous les soirs,
    Au rendez-vous du cimetière.

    Toc ! toc ! toc ! on entend le bruit
    Du vieux qui bêche dans la nuit.

    Avec sa tresse qui retombe,
    Ses yeux clairs et ses blanches dents,
    La belle pousse là dedans
    Comme un rosier sur une tombe.

    Toc ! toc !...

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    Du sage qui médite et pèse, en soupirant,
    Les choses de la vie,
    L’huile onctueuse, au bord du vase transparent,
    Éclaire l’insomnie.

    Couronné de verveine, et tout léger d’espoir,
    Entre ses mains joyeuses,
    L’hyménée, en chantant, secoue au vent du soir
    Les torches résineuses.

    Berçant sur le festin son gracieux essor,
    La lampe...