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            Le jour ne perce plus de flèches arrogantes
            Les bois émerveillés de la beauté des nuits,
            Et c’est l’heure troublée où dansent les Bacchantes
            Parmi l’accablement des rythmes alanguis.

            Leurs cheveux emmêlés pleurent le sang des vignes,
            Leurs pieds vifs sont légers comme l’aile des vents,
            Et le...

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    Il est triste de voir partout l’œuvre du mal,
    D’entonner ses chansons sur un rhythme infernal.
    Au ciel le plus vermeil de trouver un nuage,
    Une ride chagrine au plus riant visage.
    Heureux à qui le ciel a fait la bonne part !
    Bien heureux qui n’a vu qu’un beau côté de l’art !
    Hélas ! Mon cœur le sent, si j’avais eu pour muse
    Une enfant de seize...

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    Il faisait gris dans ma demeure
    J’ai dit : « Dehors luit le soleil,
    Mon âme a besoin à cette heure
    De clartés et d’éclats vermeil ! »

    Il faisait triste dans la plaine ;
    J’ai dit : « Quittons l’obscurité ! »
    Et sur la sommité lointaine
    Avec espoir je suis monté.

    La montagne était pleine d’ombre ;
    J’ai dit : « Fuyons dans l’infini...

  • Souvent, lorsqu’au retour des mauvaises saisons
    La mort a moissonné dans certaines maisons,
    Les premiers jours passés, comme le veut l’usage,
    J’y cours, me composant en chemin un visage,
    Et roulant une ou deux phrases, dans mon cerveau,
    Qui de la circonstance atteignent le niveau.
    J’entre… Un charmant sourire accueille ma visite ;
    Je regarde à deux...

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    L’absence ni le temps ne sont quand on aime
    MUSSET

    L’absence ni le temps ! Et cependant c’était ―
    Nous le sentions déjà ― c’était la fin du songe ;
    Mais sans nous avouer que le beau vers mentait
    Nous nous laissions charmer par cet heureux mensonge.

    L’absence, mort vivante ! Oh ! la pire des morts !
    Être mort l’un pour l’autre...

  • Ô champs paternels hérissés de charmilles
    Où glissent le soir des flots de jeunes filles !
     
    Ô frais pâturage où de limpides eaux
    Font bondir la chèvre et chanter les roseaux !
     
    Ô terre natale ! à votre nom que j’aime,
    Mon âme s’en va toute hors d’elle-même ;
     
    Mon âme se prend à chanter sans effort ;
    À pleurer aussi, tant mon amour...

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    Il est minuit bientôt et je ne puis dormir,
    Car mes soucis cuisants je ne peux les chasser.
    Que serai-je ? Que va devenir ma patrie ?
    Cette double question me ronge toujours l’âme.
    N’ai-je donc pas assez de mes propres soucis
    Que tu m’agites, encor, amour de la patrie ?

    Toujours ce sera donc le destin du poète
    De ramer malgré tout sur la mer...

  • Le vent triste souffle dans le parc,
    comme dans un livre que je lus enfant,
    où une écolière perdue était hagarde.
                                    Le vent.

    Il va casser, peut-être, le tulipier.
    Il fait voir le dessous des feuilles blanc
    du vernis du Japon qu’il semble essuyer,
                                    Le vent.

    Le baromètre est descendu...

  • Une aube pâle emplit le ciel triste ; le Rêve,
    Comme un grand voile d'or, de la terre se lève.

    Avec l'âme des roses d'hier,
    Lentement montent dans les airs
    Comme des ailes étendues,
    Comme des pieds nus et très doux,
    Qui se séparent de la terre,
    Dans le grand silence à genoux.

    L'âme chantante d'Ève expire,
    Elle s'éteint dans la...

  • Pourquoi gémis-tu sans cesse,
    O mon âme ? réponds-moi !
    D'où vient ce poids de tristesse
    Qui pèse aujourd'hui sur toi ?
    Au tombeau qui nous dévore,
    Pleurant, tu n'as pas encore
    Conduit tes derniers amis !
    L'astre serein de ta vie
    S'élève encore; et l'envie
    Cherche pourquoi tu gémis !

    La terre encore a des plages,
    Le ciel encore a des...