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    LE POÈTE.

    Seul avec l’Idéal et seul avec la Muse,
    Virginale ermitesse, extatique recluse,
    Loin de la foule hostile, oh ! qu’il est doux d’errer !
    Dans les forêts de Dieu, qu’il est doux de prier !
    Qu’il est doux d’écouter la harpe universelle,
    L’océan d’harmonie où chaque, voix ruisselle ;
    La sainte mélopée, en ses accords divers,
    S’...

  • Nous sommes les anges que l’on ne peut pas voir
    parce que notre corps est en air et dans l’air.
    Nous pleurons de joie sur les mendiants amers
    quant pleut sur eux la pluie douce des sous verts et noirs.
    Nous ne connaissons pas les noms propres célèbres,
    car que nous fait à nous que la Terre soit ronde,
    car que nous fait à nous que la Mer soit profonde ?...

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    L’enfant-poète, au seuil de ses jours, entendit
    Une voix frémissante et sombre qui lui dit :

    « Tu souffriras ! Ta mère en larmes va maudire
    La nuit où son amour a conçu son martyre,
    Quand elle te verra, déjà pâle et rêveur,
    Mordre en pleurant son sein comme un fruit sans saveur !

    Enfant, tu laisseras les enfants de ton âge
    Rire, chanter,...

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        Je voile avec dédain le trésor qui me reste…
        Mon orgueil de poète est en moi comme un mal
        Tenace, suraigu, dominant, animal…
        Car l’orgueil du poète est terrible et funeste…

        Quand la foule amassait la farine et le mil,
        Mon orgueil m’enjoignit de m’astreindre et me taire,
        Inexorable autant que le lointain tonnerre...

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    Quand il eut mérité le châtiment de vivre
    Sur cette terre, Esprit de son monde exilé,
    Des temps futurs s’ouvrit à ses regards le livre :
    Il put lire son sort dans l’avenir scellé.

    Ce qu’un jour il sera devant lui se déroule,
    De ses maux évoqués morne procession.
    De revers en revers, flot après flot s’écoule
    Sa lamentable vie, — amère vision...

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        Les murs de ce palais sont d’ébène et d’ivoire
        Et les plafonds gemmés d’astres comme les cieux.
        Les esclaves y vont à pas silencieux
        Avec leurs pas très doux et leur face très noire.

        Et les cyprès aigus s’y dorent au couchant…
        On n’entend jamais plus la fuite d’or du sable
        Dans le lent sablier… car l’instant adorable...


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        Il porte obscurément la pourpre du poète,
        Ce passant qu’on rencontre au détour du chemin,
        Vers lequel nul ne tend sa secourable main
        Et qui lève vers l’aube un front large d’ascète.

        Mais sous le grand manteau percé de mille trous,
        Si vieux qu’il est pareil aux innombrables toiles
        Que l’araignée a su tramer sous les...

  • Non, tu n’as pas tout, monstre ! et tu ne prends point l’âme.
    Cette fleur n’a jamais subi ta bave infâme.
    Tu peux détruire un monde et non souiller Caton.
    Tu fais dire à Pyrrhon farouche : Que sait-on ?
    ...

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    Comme il n’avait pas dîné,
    Comme les bourgeois honnêtes
    Tout le jour avaient berné
    Le faiseur de chansonnettes,

    Triste et pâle, sur le soir,
    Prêt pour la dernière épreuve,
    Loin du monde, il vint s’asseoir
    Et chanter au bord du fleuve.

    Il chanta les longs tourments
    De l’amour et de la gloire,
    Et son hymne, par moments,...