• La lune luit ; le ciel est bleu ; le grillon chante ;
    Nulle âme en ce moment n’a droit d’être méchante.
    Tout contour s’amollit sous la douce clarté
    Que dans le grand ciel bleu fait cette nuit d’été.
    Les chevreuils, les faisans, les cerfs connaissent l’heure
    Où dans les bois profonds la fougère est meilleure,
    Où la mousse se creuse en moelleux abris
    ...

  • J’ai reposé mon cœur avec tranquillité
    Dans l’asile très-sûr d’un amour très-honnête.
    La lutte que je livre au sort est simple et nette,
    Et tout peut m’y trahir, non la virilité.

    Je ne crois pas à ceux qui pleurent, l’âme éprise
    De la sonorité de leurs propres sanglots :
    Leur idéal est né de l’écume des mots,
    Et comme je les tiens pour nuls, je les...

  • Il est charmant ce paysage,
    Peu compliqué, mais que veux-tu ?
    Ce n’est qu’une mer de feuillage
    Où, timide, à peine surnage
    Un tout petit clocher pointu.

    Au premier plan, toujours tranquille,
    La Saône reluit au matin.
    Par instants de l’herbe immobile
    Un bœuf se détache et profile
    Ses cornes sur le ciel lointain.

    Vis-à-vis, gardant...

  • Aux rayons de l’ardent soleil de thermidor,
    Sous le riche manteau de ses moissons, la plaine
    Semble assoupie, ainsi qu’une génisse pleine
    Que son labeur épuise et fait souffrir encor.

    Aucun oiseau dans l’air pesant ne prend l’essor ;
    Seuls, planent ça et là de blancs flocons de laine.
    Un zéphyre léger et doux comme une haleine
    Fait onduler les champs...

  • Les hommes sont aux champs et chaque maison vide,
    Muette et close aux feux étouffés du soleil,
    Sous le poids lourd d’un ciel à l’ardoise pareil,
    S’endort dans la torpeur de son ombre livide.

    Miroitement aigu dans ce calme de mort,
    La tuile qui reluit a des éclairs farouches
    Et sur le fumier vibre un tourbillon de mouches,
    Sous les traits acérés du...

  • Minuit. — La bise mord comme sur l’esplanade
    Du château d’Elseneur, pendant la promenade
    Que je fais, l’arme au bras, bizarre, dans mon coin.
    Je veille sur six cent trente bottes de foin.
    Telle est ma fonction à l’heure des doux rêves.
    Un petillement sourd de fusillades brèves
    Succède, par moments, au silence profond.
    Bon. Ce sont nos amis de là-bas...

  • Je regarde sortir les gamins de l’école.
    Tatoués d’encre, et gais, ils traînent en marchant
    Sur les trottoirs jaunis par le soleil couchant,
    Quelque livre en lambeaux qu’unit en vain la colle.

    A cloche-pied, avec des cris aigus, les grands
    Exécutent les pas d’une sauvage danse ;
    D’autres, les tout petits, abandonnent les rangs,
    Pour boire avec délice...

  • Ami, n’épuise pas ton flacon de genièvre :
    Quand on boit, le coup d’œil n’est pas sûr au tiré.
    Viens ! je sais les retraits où se tapit le lièvre,
    Viens ! J’entends les perdrix chanter dans le fourré.

    Les guêtres au mollet ! Boucle ta carnassière !
    Le gibier tiendra bien par ce temps chaud et clair.
    C’est l’heure où les vieux coqs flânent dans la bruyère,...

  • Dans la paisible rue où je passe souvent,
    Un jour d’hiver, devant la porte d’un couvent,
    Je vis avec fracas, s’arrêter des carrosses.
    Tous les chevaux portaient, ainsi que pour des noces,
    Une rose à l’oreille ; et les laquais poudrés
    Et superbes, tout droits sur leurs mollets cambrés,

    Se tenaient à côté des portières ouvertes
    D’où sortaient, de...

  • L’hiver qui vient, tardif et lent,
    Laisse encor les branches flétries
    Briller dans le soleil tremblant
    Sur les arbres des Tuileries.

    Dans le jardin comme autrefois
    Elle suit les vieilles allées,
    Que le souffle des premiers froids
    D’un frisson à peine a troublées.

    Elle tient son fils par la main,
    Ainsi qu’un jeune camarade ;
    L’enfant...