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    CETTE fleur est fanée, et pourtant il émane
    De ses pétales morts une vivante odeur.
    Du tissu merveilleux de sa chair diaphane
    Le soleil respiré s’évapore en senteur.

    Ainsi, quand vous serez morte, ô très chère femme,
    Quand vos beaux yeux seront sur l’infini fixés,
    Nous sentirons flotter le parfum de votre âme
    Sur nos cœurs pour toujours...

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    CHAQUE jour nous disons ― l’habitude en est prise ―
    Des mots qui ne sont plus sincères qu’à demi,
    Et que nous prodiguons, simulant la surprise
    Douloureuse, en serrant la main d’un pauvre ami.

    L’expression navrée, et par la lèvre apprise
    Dans les heures de deuil et de larmes, parmi
    La désolation lamentable qui brise,
    Part d’une âme où pourtant...

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              IL n’est pas l’automne encore,
              Il n’est déjà plus l’été ;
    Quelque chose dans l’air subtilement colore
              Le ciel d’une autre clarté.

              Il est des soleils magiques,
              Infiniment blonds ou. roux ;
    Mais, comme las de luire, ils se penchent, obliques,
              Et leurs rayons sont plus doux

    ...
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    AINSI que l’ivrogne à son verre,
    Comme à l’opium le fumeur,
    De même que l’aigle à son aire,
    Ainsi que l’abeille à la fleur,

    Celui qui mit un jour sa lèvre,
    Poésie, à ton vase d’or,
    Dans la peine, l’amour, la fièvre,
    Y reviendra jusqu’à la mort !

    Car la sublime maladie...

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    LE soleil rouge, au bout des terres labourées,
    Descend à l’horizon couleur d’ardoise, lent…
    La campagne a cessé son effort violent ;
    C’est l’heure du silence et des flammes pourprées.

    Gloire à l’automne ! gloire aux tranquilles vesprées !
    Murmure l’âme loin du tumulte troublant.
    La sérénité plane ici ; l’arbre tremblant
    Frissonne de bonheur...

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    L’HIVER est venu. Ma vitre est glacée.
    Je n’y vois plus rien que du givre épais.
    La lumière pâle est comme baissée,
    Mais elle m’apporte un long jour de paix.

    Pour écrire un vers blanc comme la neige,
    Je trempe ma plume en l’encrier noir ;
    Un vol de flocons aussitôt m’assiège :
    Ce sont des pensers qui viennent me voir !

    Légers, je les...

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    SUR le papier bleu pâle où je trace ces mots
    Que demain vous lirez, attentive ou distraite,
    Quelque chose de moi s’exprime et se reflète,
    Comme un arbre penché sur le miroir des eaux.

    Sans le vouloir, notre âme aux choses qu’elle touche
    Laisse une empreinte neuve et claire comme un nom ;
    Les mots qu’elle choisit, s’ils ont le même son,
    ...

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    JE vous évoque, seule en votre chambre, un soir,
    Avec angoisse, interrogeant votre miroir.
    Vous redressez le buste ou vous penchez la tête,
    Et le cristal, docile à vos gestes, répète
    La blancheur de vos bras, l’éclat noir de vos yeux,
    Votre cou, votre bouche exquise, vos cheveux…
    Tout est jeune et joli, tout respire la grâce !
    Le mouvement,...

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    LORSQUE je vous aimais, j’avais le cœur en peine,
    Car je ne savais pas si vous reviendriez.
    Je souffrais ; ma souffrance alors n’était point vaine,
    Et j’étais consolé dès que vous paraissiez.

    J’avais de longs chagrins et des doutes sincères.
    Je croyais en vos yeux, puis je n’y croyais plus,
    Et, fou, je m’inventais d’innombrables misères :
    Je...

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    QUE de rêves, de vœux attendris me rappelle
    Soudainement ce portrait !
    Est-elle, dans son charme élégant, aussi belle ?
    Est-il encore aussi vrai ?

    Mon ardeur était jeune et mon amour sincère.
    La brume des jours lointains
    Pour l’évoquer, hélas ! m’a rendu nécessaire
    Cette image aux tons éteints.

    Plus vivant, plus précis, plus clair que...