• C’est une chambre où tout languit et s’effémine ;
    L’or blême et chaud du soir, qu’émousse la persienne,
    D’un ton de vieil ivoire ou de guipure ancienne
    Apaise l’éclat dur d’un blanc tapis d’hermine.

    Plein de la voix mêlée autrefois à la sienne,
    Et triste, un clavecin d’ébène que domine
    Une coupe où se meurt, tendre, une balsamine,
    Pleure les doigts...

  • Le grand cintre de l’arche encadre un clair tableau.
    En attendant Avril et pour la bienvenue
    Des fleurs, le ciel sourit et le froid s’atténue.
    Au premier plan, la rive en pente douce, et l’eau.

    Peinte légèrement du bout d’un fin pinceau,
    Profilant sur l’azur sa silhouette nue,
    Une ile, avec des airs de baigneuse ingénue,
    Sort du fleuve, et les joncs...

  • Les vieux tilleuls fleuris embaument… Le parterre,
    Abandonné, végète au gré de la saison.
    De la grille on ne voit qu’un pan de la maison
    Petite et sombre au fond d’un quartier solitaire.

    La maison est petite : et d’un air de mystère
    Les massifs du jardin bornent son horizon.
    Tout ce qu’ont écouté cette ombre et ce gazon
    D’extatiques secrets, on voit...

  • Sur la route creusée aux flancs de la colline,
    Sur la route qui va d’Orthosie à Milet,
    Traîné par deux bœufs blancs dont le garrot s’incline
    Et s’élève en cadence, un chariot roulait
    Pesamment. — Et lanière aux reins, aux flancs la pique,
    Les bœufs gravissaient, lents et courbés, la hauteur,
    Mêlant au bruit du char leur haleine rhythmique,
    Et leurs...

  • De l’éternel Azur la sereine ironie
    Accable, belle indolemment comme les fleurs,
    Le poëte impuissant qui maudit son génie
    A travers le désert stérile des Douleurs.

    Fuyant, les yeux fermés, je la sens qui regarde
    Avec l’intensité d’un remords attérrant.
    Mon âme vide. Où fuir ? Et quelle nuit hagarde
    Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant ?

    ...
  • L’Ecclésiaste a dit : Un chien vivant vaut mieux
    Qu’un lion mort. Hormis, certes, manger et boire,
    Tout n’est qu’ombre et fumée. Et le monde est très-vieux,
    Et le néant de vivre emplit la tombe noire.

    Par les antiques nuits, à la face des cieux,
    Du sommet de sa tour, comme d’un promontoire,
    Dans le silence, au loin, laissant planer ses yeux,
    Sombre,...

  • Çûrya fait resplendir et fumer les rivages.
    Avec les jeunes paons et les chèvres sauvages,
    Se joue au bord de l’eau Kriçhna, l’enfant divin.

    Là-bas, roulant son ombre aux pentes du ravin,
    Dans une brume vague où l’aspect se déforme,
    L’escarpement confus d’une montagne énorme
    Porte le Bhandîra qui semble une forêt ;
    Et le mont si hautain se dresse qu’...

  • C’est dans un bois sinistre et formidable, au nord
    De la Gaule. Roidis par un suprême effort,
    Les chênes monstrueux supportent avec rage
    Les grands nuages noirs d’où va tomber l’orage ;
    Le matin frissonnant s’éveille, et la clarté
    De l’aube mord déjà le ciel ensanglanté.
    Tout est lugubre et pâle, et les feuilles froissées
    Gémissent, et, géants que de...

  • Une nuit grise emplit le morne firmament ;
    Comme un troupeau de loups, errant à l’aventure
    Dans la nuit, et rôdant autour de leur pâture,
    Le vent funèbre hurle épouvantablement.

    Le brouillard, que blanchit un tourbillonnement
    Neigeux, se déchirant ainsi qu’une tenture,
    On voit, parfois, au fond d’une sombre ouverture,
    Le soleil rouge et froid qui luit...

  • Fluide parcourant les sentiers de l’espace,
    Étincelle échappée au foyer créateur,
    Elle plane, invisible, elle flotte, elle passe,
    Ayant la fantaisie… un souffle pour moteur.

    Elle suit son chemin, lente, mais jamais lasse ;
    Est calme, ou véhémente, — et, quand, de sa hauteur,
    Elle a touché les bords de notre terre basse,
    Pour devenir lumière entre au...