• Je veux, comme un artiste amoureux des émaux,
    Fondre patiemment les teintes délicates
    De la rose, du ciel, de l’or & des agates
    Pour en faire des prés, du soleil, des hameaux.

    Sur le fond de médaille, à travers les rameaux,
    Les murs remis à neuf auront des blancheurs mates,
    Et dans les blés vernis mille fleurs écarlates
    Inviteront les pieds des...

  • Refleuris sous mon front, ô fleur de volupté,
    Fleur du rêve païen, fleur vivante & charnelle,
    Corps féminin qu’aux jours de l’Olympe enchanté
    Un cygne enveloppa des blancheurs de son aile.

    L’amour des Cieux a fait chaste ta nudité :
    Sous tes contours sacrés la fange maternelle
    Revêt la dignité d’une chose éternelle
    Et, pour vivre à jamais, s’...

  • Tout dort. Les ponts avec le gaz de leurs lanternes
    Se reflètent dans l’eau profonde. Entre les quais
    Voguent péniblement des bateaux remorqués,
    Et voici l’Hôtel-Dieu que flanquent des casernes.

    Voyez, se découpant sur les nuages ternes,
    Un vague entassement d’édifices tronqués,
    De vieux donjons pareils à des géants masqués,
    D’ogives, de créneaux, de...

  • Les amoureux ne vont pas loin :
    On perd du temps aux longs voyages.
    Les bords de l’Yvette ou du Loing
    Pour eux ont de frais paysages.

    Ils marchent à pas cadencés
    Dont le cœur règle l’harmonie,
    Et vont l’un à l’autre enlacés
    En suivant leur route bénie.

    Ils savent de petits sentiers
    Où les fleurs de mai sont écloses ;
    Quand ils...

  • Lecteur, à toi ces vers, graves historiens
    De ce que la plupart appelleraient des riens,
    Spectateur indulgent qui vis ainsi qu’on rêve,
    Qui laisses s’écouler le temps & trouves brève
    Cette succession de printemps & d’hivers,
    Lecteur mélancolique & doux, à toi ces vers.
    Ce sont des souvenirs, des éclairs, des boutades,
    Trouvés au coin de l’...

  • La rivière aux flots bleus rêve les soirs d’été.
    Elle dessine au loin sa courbe gracieuse
    Pour se perdre dans l’ombre ; & le saule & l’yeuse
    Reflètent leurs rameaux dans sa limpidité.

    L’air est sans bruit, le ciel plein de sérénité.
    La rive se recueille & dort silencieuse.
    Tout repose. Voici l’heure mystérieuse
    Faite de calme intense...

  • J’aime tes belles mains longues & paresseuses,
    Qui, pareilles au lis, n’ont jamais travaillé,
    Mais savent le secret des musiques berceuses
    Qui parlent à voix lente au cœur émerveillé. —
    J’aime tes belles mains longues & paresseuses.

    J’aime tes petits pieds vifs & spirituels,
    Petits pieds éloquents de la cheville aux pointes,
    Que les saints...

  • Des vases blancs & bleus sur leurs tiges dorées,
    Droits, & fiers de la pourpre exotique des fleurs ;
    Une lampe d’albâtre avivant ses pâleurs,
    Clair de lune neigeux & calme des soirées ;

    Des panneaux, où la main féminine agrafa
    Sur le satin, lamé d’or & d’argent, des armes ;
    Un sachet, exhalant la fleur des anciens charmes
    Dans l’...

  • Pierre, le Bien-Nommé, revient de Palestine.
    Jadis il est sorti, bardé de fer, & tel
    Il rentre sous la porte antique du castel
    Qu’une fière devise à la gloire destine.

    Dans l’oratoire bleu madame Valentine
    Pour l’époux éloigné tremble au pied de l’autel,
    Et de blancs chérubins vers le Père immortel
    Guident, le long des cieux, la prière enfantine...

  • Les Titans sont tombés : — dans l’air silencieux
    Leur sang pur monte encore, &, comme une fumée,
    Emporte dans les cieux leur âme consumée
    Des rêves éternels qu’ils avaient pris aux cieux.

    La terre, maternelle aux cœurs audacieux,
    Sur ses enfants meurtris lentement s’est fermée ;
    Mais, pour longtemps tari, son flanc capricieux
    Tira de leur semence...