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    Chaque lettre en passant, ou plus lente ou plus vive,
    Vous a-t-elle saisi par sa voix distinctive ?
    Il vous faut, dans les mots, fidèle à mes leçons,
    Augmenter son effet en répétant ses sons,
    N’allez pas toutefois, Poëte géomètre,
    Outrer un tel sistème, ou le prendre à la lettre,
    Et tourmenter la langue, au point de calculer
    Des vers, que le...

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    À plus d’un examen ces vers furent soumis.
    Mais, si j’en crois enfin mes sévères amis
    J’ai prouvé que ma langue avec art combinée,
    Tantôt impérieuse et tantôt dominée,
    Par des sons inégaux pouvait également
    Rendre l’horreur sensible et peindre l’agrément ;
    Mais refusant de moi l’exemple et les préceptes,
    Sans doute ils soutiendront, ces...

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    C’est peu d’avoir rendu la voix du quadrupède,
    À ce nouveau travail un plus vaste succède,
    Car tous les animaux articulent des sons ;
    Alors que je dis tous, j’excepte les poissons,
    Et sans doute, jadis ils ont eu leur langage.
    Si j’en crois ma chronique, au temps du premier âge,
    La pesante baleine et le dauphin léger
    Dialoguaient ensemble au...

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    Le doux printemps revient, et ranime à la fois
    Les oiseaux, les zéphirs, et les fleurs, et ma voix.
    Pour quel sujet nouveau dois-je monter ma lyre ?
    Ah ! lorsque d’un long deuil la terre enfin respire,
    Dans les champs, dans les bois, sur les monts d’alentour,
    Quand tout rit de bonheur, d’espérance et d’amour,
    Qu’un autre ouvre aux grands noms les...

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    Oh ! si j’avais ce luth dont le charme autrefois
    Entraînait sur l’Hémus les rochers et les bois,
    Je le ferais parler, et sur les paysages
    Les arbres tout-à-coup déploîraient leurs ombrages.
    Le chêne, le tilleul, le cèdre et l’oranger
    En cadence viendraient dans mes champs se ranger.
    Mais l’antique harmonie a perdu ses merveilles ;
    La lyre est...

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    Je chantais les jardins, les vergers et les bois,
    Quand le cri de Bellone a retenti trois fois.
    À ces cris, arrachés des foyers de leurs pères,
    Nos guerriers ont volé sur des mers étrangères,
    Et Mars a de Vénus déserté les bosquets.
    Dieux des champs, dieux amis de l’innocente paix,
    Ne craignez rien. Louis, au lieu de vous détruire,
    Veut sur des...

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    Non, je ne puis quitter le spectacle des champs.
    Eh ! qui dédaignerait ce sujet de mes chants :
    Il inspirait Virgile, il séduisait Homère.
    Homère, qui d’Achille a chanté la colère,
    Qui nous peint la terreur attelant ses coursiers,
    Le vol sifflant des dards, le choc des boucliers,
    Le trident de Neptune ébranlant les murailles,
    Se plaît à...

  • Le soleil moribond ensanglantait les flots,
    Et le jour endormait ses suprêmes échos.
    La brise du Surouet roulait des houles lentes.
    Dans mon canot d’écorce aux courbes élégantes,
    Que Paul l’Abénaquis habile avait construit,
    Je me hâtais vers Tadoussac et vers la nuit.
    À grands coups cadencés, mon aviron de frêne
    Poussait le « Goéland » vers la rive...

  • J’errais seul, à minuit, près de la pauvre église.
    À la lueur de mon flambeau, je pouvais voir
    Les bords de l’estuaire où dansait le flot noir,
    Et le petit clocher que le temps solennise.

    Quelle nuit ! Le Surouet grondait dans les bouleaux,
    Geignait le long des murs du temple séculaire,
    Et, fraternel, entre les croix du cimetière,
    Sur les tombes sans...

  • Et le Chef m’apparut devant la vieille église.
    Un haut panache blanc ornait sa tête grise.
    Il s’approcha de moi, lent et majestueux.
    Mes sens m’ont-ils trompé, dans cette affreuse veille ?
    Non ! Il était bien là : je l’ai vu de mes yeux,
    Et sa voix d’outre-tombe a frappé mon oreille :

    ― Moi non plus, ô vivant, je ne t’ai pas compris,
    Mais je t’ai vu...