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    Par une nuit d’orage et sous un ciel en deuil,
    Parfois le paysan qui sort d’une veillée
    Aperçoit au détour de la route mouillée
    Un feu follet énorme et fixe comme un œil.

    S’il s’avance, domptant son effroi par orgueil,
    Le feu recule et semble, au fond de la feuillée,
    Par la brise de mer tordue et travaillée
    Une flamme d’alarme, au loin, sur...

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    Hélas ! dis-tu, la froide neige
    Recouvre le sol et les eaux ;
    Si le bon Dieu ne les protège,
    Le printemps n’aura plus d’oiseaux !

    Rassure-toi, tendre peureuse ;
    Les doux chanteurs n’ont point péri.
    Sous plus d’une racine creuse
    Ils ont un chaud et sûr abri.

    Là, se serrant l’un contre l’autre
    Et blottis dans l’asile obscur,
    ...

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    À Paul Lelièvre.

    En mil huit cent trente-un, au début du printemps,
    Son Altesse le duc de Reichstadt eut vingt ans.
    Parfois on trouve encor quelqu’un qui se souvienne
    De l’avoir vu passer sur le Prater, à Vienne,
    Et qui vous contera qu’il était sans rival
    Pour faire parader et volter un cheval.
    En uniforme blanc, des...

  • Sur le balcon de fer du noir donjon de Loches,
    Monseigneur le dauphin Charles de France, en deuil,
    Dominant la Touraine immense d’un coup d’œil,
    Écoute dans le soir mourir le son des cloches.

    L’enfant captif envie, humble cœur sans orgueil,
    Ceux qu’il voit revenir des champs, portant leurs pioches,
    Et, flairant l’âcre odeur des potences trop proches,
    ...

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    À Léopold Flameng.

    Tous les ducs morts sont là, gloire d’acier vêtue,
    Depuis Othon le Saint jusqu’à Job le Frugal ;
    Et devant eux, riant son rire musical,
    L’enfant à soulever des armes s’évertue.

    Chaque armure, où l’aïeul se survit en statue
    Sous la fière couronne et le cimier ducal,
    Joyeuse reconnaît d’un regard amical
    Sa race,...

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    L’OISEAU reste muet, puisqu’il n’a plus de nid
    Dans le trou du vieux mur dont s’écroule la brèche.
    Nous faisons sous nos pas craquer la feuille sèche.
    Comme le soir vient tôt ! Comme le bois jaunit !

    La nature et nos cœurs ont un frisson subit.
    Dès le soleil tombé, monte une brume fraîche.
    Octobre est loin encor, mais comme il se...

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    QUEL beau temps ! Il faisait bon vivre...
    Dans la rue où j’allais rêvant,
    Deux vieux croque-morts, d’un pas ivre,
    Trimbalaient un cercueil d’enfant.

    Aucun cortège en deuil. Personne.
    On l’emportait comme un paquet...
    Sur le drap blanc, pas de couronne,
    Pas un pauvre petit bouquet.

    C’était navrant. Ma rêverie
    ...

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    I

    La nuit tombe et la mer descend.
    Ma chère âme, allons sur la grève,
    Auprès du flot retentissant !

    Le doute m’assaille sans trêve.
    M’aimes-tu vraiment ? J’ai rêvé
    Que ta tendresse serait brève.

    Écoute le râle étouffé
    Du flot lointain ! L’Angelus tinte
    Tristement son dernier Ave.

    Mon âme est par l’angoisse atteinte ;...

  • Avis aux amateurs de la gaîté française
    Le printemps fait neiger, dans le Père-Lachaise,
    Les fleurs des marronniers sur les arbres muets,
    Et la fosse commune est pleine de bleuets ;
    Le liseron grimpeur fleurit les croix célèbres ;
    Les oiseaux font l’amour près des bustes funèbres ;
    Et l’on voit un joyeux commissaire des morts,
    Tricorne en tête et...

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    À travers la mer tropicale,
    Sous un soleil à rendre fou,
    Avec des lingots plein sa cale,
    Le navire vient du Pérou.

    Le blason d’Espagne et d’Autriche
    Palpite sur son pavillon.
    Vent arrière, pompeux et riche,
    Il revient, le lourd galion.

    La rançon de vingt rois voyage
    Dans son flanc de l’onde émergeant,
    Et l’écume de son...