I
La nuit tombe et la mer descend.
Ma chère âme, allons sur la grève,
Auprès du flot retentissant !
Le doute m’assaille sans trêve.
M’aimes-tu vraiment ? J’ai rêvé
Que ta tendresse serait brève.
Écoute le râle étouffé
Du flot lointain ! L’Angelus tinte
Tristement son dernier Ave.
Mon âme est par l’angoisse atteinte ;
Je tiens, comme pour un départ,
Ta main, froide malgré l’étreinte.
La falaise est dans le brouillard ;
Le vent humide nous pénètre.
Entends ce goëland criard !
Pour bien d’autres ton cœur fut traître ;
Ton passé n’est point innocent.
Tu vas m’abandonner peut-être !
La nuit tombe et la mer descend.
II
Le jour grandit et la mer monte,
Allons courir sur les galets !
Comme le ciel est pur ! Sois prompte.
Plus d’un bateau plein de filets
S’en va, le long du quai qu’il frôle,
Vers les horizons violets.
Serre-toi contre mon épaule,
Et, le cœur joyeux, allons voir
La vague écumer sur le môle !
Que j’étais injuste, hier soir !
Je doutais de toi, ma chère âme !
Ce bleu matin me rend l’espoir.
Ton passé cruel, pauvre femme,
Nos larmes d’amour l’ont lavé,
Comme est ce rocher par la lame.
Vois ! le bon soleil est levé.
Aimons-nous sans crainte et sans honte.
Notre bonheur est retrouvé !
Le jour grandit et la mer monte.