Flux et Reflux

 

I

La nuit tombe et la mer descend.
Ma chère âme, allons sur la grève,
Auprès du flot retentissant !

Le doute m’assaille sans trêve.
M’aimes-tu vraiment ? J’ai rêvé
Que ta tendresse serait brève.

Écoute le râle étouffé
Du flot lointain ! L’Angelus tinte
Tristement son dernier Ave.

Mon âme est par l’angoisse atteinte ;
Je tiens, comme pour un départ,
Ta main, froide malgré l’étreinte.

La falaise est dans le brouillard ;
Le vent humide nous pénètre.
Entends ce goëland criard !

Pour bien d’autres ton cœur fut traître ;
Ton passé n’est point innocent.
Tu vas m’abandonner peut-être !

La nuit tombe et la mer descend.

II

Le jour grandit et la mer monte,
Allons courir sur les galets !
Comme le ciel est pur ! Sois prompte.

Plus d’un bateau plein de filets
S’en va, le long du quai qu’il frôle,
Vers les horizons violets.

Serre-toi contre mon épaule,
Et, le cœur joyeux, allons voir
La vague écumer sur le môle !

Que j’étais injuste, hier soir !
Je doutais de toi, ma chère âme !
Ce bleu matin me rend l’espoir.

Ton passé cruel, pauvre femme,
Nos larmes d’amour l’ont lavé,
Comme est ce rocher par la lame.

Vois ! le bon soleil est levé.
Aimons-nous sans crainte et sans honte.
Notre bonheur est retrouvé !

Le jour grandit et la mer monte.

Collection: 
1862

More from Poet

  • O poète trop prompt à te laisser charmer,
    Si cette douce enfant devait t'être ravie,
    Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
    Ne pouvait pas pour toi frémir et s'animer ?

    N'importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
    Dans mon âme si lasse et de tout assouvie...

  • J'écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
    Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
    Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là ;
    Elle songe sans doute au mal qui m'exila
    Loin d'elle, l'autre hiver, mais sans trop d'épouvante,
    Car je suis...

  • Champêtres et lointains quartiers, je vous préfère
    Sans doute par les nuits d'été, quand l'atmosphère
    S'emplit de l'odeur forte et tiède des jardins ;
    Mais j'aime aussi vos bals en plein vent d'où, soudains,
    S'échappent les éclats de rire à pleine bouche,
    Les polkas...

  • Songes-tu parfois, bien-aimée,
    Assise près du foyer clair,
    Lorsque sous la porte fermée
    Gémit la bise de l'hiver,

    Qu'après cette automne clémente,
    Les oiseaux, cher peuple étourdi,
    Trop tard, par un jour de tourmente,
    Ont pris leur vol vers le Midi ;...

  • Captif de l'hiver dans ma chambre
    Et las de tant d'espoirs menteurs,
    Je vois dans un ciel de novembre,
    Partir les derniers migrateurs.

    Ils souffrent bien sous cette pluie ;
    Mais, au pays ensoleillé,
    Je songe qu'un rayon essuie
    Et réchauffe l'oiseau...