Ne soyons pas trop débonnaires ;
Aimer quand même est lâcheté.
Pour les méchants restons sévères,
Gardons aux bons notre bonté.
Pardonnez ! dit-on.—C’est facile,
Et doux même aux cœurs bien placés.
L’âpre vengeance est inutile ;
Le mépris venge bien assez.
Mais prodiguer à tous les traîtres
Le trésor de son amitié !
Jeter son or par les fenêtres
À des assassins sans pitié !
Devant eux ôter sa cuirasse !
Presser sur un sein désarmé
Ceux dont on peut suivre la trace
À tout le mal qu’ils ont semé !
Ce n’est pas seulement faiblesse,
C’est une mauvaise action.
De quoi paira-t-on la tendresse,
La fidèle dévotion
De l’ami vrai, si l’hypocrite
Dont le sourire est plein de fiel
Comme celui qui la mérite
Reçoit l’amitié, don du ciel !
Pour le Titan point de clémence !
Il est précipité des cieux.
Le dragon périt sous la lance
De l’Archange victorieux.
Ayons plus de miséricorde ;
Mais pas d’attendrissement vain !
Aux méchants le sage n’accorde
Qu’un entier et parfait dédain.