Sébastien-Charles Leconte

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    L’ILLUSION

    Laisse à ceux qui se croient des vivants, l’épouvante
    De sentir, dans leur forme innombrable et mouvante,
    Leur fibre s’endurcir et s’assécher leurs os,
    Dans ses lacis profonds aux mailles refroidies,
    Leur chair se faire pierre, et...

  • Le Suffète Hamilkar gravit la rude pente
    Où l’autel consacré s’érige d’un seul bloc :
    Il s’arrête et s’adosse à la haute charpente
    Du bûcher, où déjà le feu gronde et serpente,
    Et jette au ciel des monts la gloire de Molok.

    La plaine d’Himera sous ses yeux durs s’...

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    Vous qui dormez, laissez à l’Occident son Rêve !

    O Sages abîmés au sommeil sans mémoire,
    Sous les nappes sans fond que la réalité,
    Par son intermittente et fugace clarté,
    Argente de lumière et de ténèbres moire ;

    En qui survit peut-être, au...

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    Je me levai sur mes deux mains, avec effort,
    Et mon regard chercha, dans l’ombre indifférente,
    La déroute confuse et la mêlée errante
    Des enfants de la femme en marche vers la mort.
    Je les vis. Ils allaient, en troupeaux inutiles,
    Où des doigts s’arrachaient...

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    Peut-être alors ces Rois du lointain avenir,
    Dédaigneux des clameurs et des fouies trompées,
    Laissant la colère aux voix de bronze barrir
    Et siffler sur leurs fronts l’haleine des épées,
    Formes par l’ascétisme inique enveloppées,
    S’enfermeront dans le...

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    Écoute-moi, Passant des heures, toi qui foules
    L’immesurable bloc qu’en ton rêve dompté
    Erigèrent les cent bras de ta volonté,
    Montagne d’or debout sur la brume des foules :

    Écoute-moi, quêteur du dernier horizon !
    Je suis cela qui parle au plus profond de...

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    Elles montent toujours, candides et lustrales,
    Animant du frisson où s’étouffent leurs râles
    La volute d’argent des encens attiédis,
    Vers l'illusoire azur que fleurit de lumières
    Le prestige ancestral des ferveurs coutumières,
    Par l’apparition des pâles...

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    Nos yeux se sont ouverts dans une aube d’alarmes ;
    Les pas de la déroute et les lourds soubresauts
    Des fourgons étrangers secouaient nos berceaux,
    Les places s’emplissaient de prisonniers sans armes...

    Ce fut un été rouge, et puis ce fut l’hiver,
    Cet hiver...

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    Quand nous aurons levé la pierre de la tombe,
    Quand nous saurons quels dieux nous attendent demain,
    Quand nos regards pourront suivre, sur son chemin,
    La marche sans retour de l’humaine hécatombe...

    Quand les frères muets que nous croyons partis,
    Qui...

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    Ils marchent, et, plongeant sous le noir firmament,
    Leur houle, irrésistible ainsi qu’un élément,
    Vers l’Astre deviné par delà les terrasses
    Des montagnes, s’étale et meut ses lourdes masses.

    C’est une humanité tout entière en chemin
    Vers la lumière ardente...