Paul Valéry

  • Quand le ciel couleur d’une joue
    Laisse enfin les yeux le chérir
    Et qu’au point doré de périr
    Dans les roses le temps se joue,

    Devant le muet de plaisir
    Qu’enchaîne une telle peinture,
    Dans une Ombre à libre ceinture
    Que le temps est...

  • Douces colonnes, aux
    Chapeaux garnis de jour,
    Ornés de vrais oiseaux
    Qui marchent sur le tour,

    Douces colonnes, ô
    L’orchestre de fuseaux !
    Chacun immole son
    Silence à l’unisson.

    — Que portez-vous si haut,
    Égales radieuses...

  • Nous avons pensé des choses pures
    Côte à côte, le long des chemins,
    Nous nous sommes tenus par les mains
    Sans dire... parmi les fleurs obscures ;

    Nous marchions comme des fiancés
    Seuls, dans la nuit verte des prairies ;
    Nous partagions ce...

  • Un fruit de chair se baigne en quelque jeune vasque,
    (Azur dans les jardins tremblants) mais hors de l’eau,
    Isolant la torsade aux puissances de casque,
    Luit le chef d’or que tranche à la nuque un tombeau.

    Éclose la beauté par la rose et l’épingle !...

  • La confusion morose
    Qui me servait de sommeil,
    Se dissipe dès la rose
    Apparence du soleil.
    Dans mon âme je m’avance,
    Tout ailé de confiance :
    C’est la première oraison !
    À peine sorti des sables,
    Je fais des pas admirables
    ...

  • Tu penches, grand Platane, et te proposes nu,
                Blanc comme un jeune Scythe,
    Mais ta candeur est prise, et ton pied retenu
                Par la force du site.

    Ombre retentissante en qui le même azur
                Qui t’emporte, s’apaise,...

  • La princesse, dans un palais de rose pure,
    Sous les murmures, sous la mobile ombre dort,
    Et de corail ébauche une parole obscure
    Quand les oiseaux perdus mordent ses bagues d’or.

    Elle n’écoute ni les gouttes, dans leurs chutes,
    Tinter d’un siècle...

  • Anne qui se mélange au drap pâle et délaisse
    Des cheveux endormis sur ses yeux mal ouverts
    Mire ses bras lointains tournés avec molesse
    Sur la peau sans couleur du ventre découvert.

    Elle vide, elle enfle d’ombre sa gorge lente,
    Et comme un...

  • Assise, la fileuse au bleu de la croisée
    Où le jardin mélodieux se dodeline,
    Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.

    Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
    Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
    Elle songe, et sa tête...

  • Dès l’aube, chers rayons, mon front songe à vous ceindre !
    À peine il se redresse, il voit d’un œil qui dort
    Sur le marbre absolu, le temps pâle se peindre,
    L’heure sur moi descendre et croître jusqu’à l’or...

    ...