Paul Valéry

  • Dures grenades entr’ouvertes
    Cédant à l’excès de vos grains,
    Je crois voir des fronts souverains
    Éclatés de leurs découvertes !

    Si les soleils par vous subis,
    Ô grenades entre-bâillées
    Vous ont fait d’orgueil travaillées
    Craquer les...

  • Assise, la fileuse au bleu de la croisée
    Où le jardin mélodieux se dodeline ;
    Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.

    Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
    Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
    Elle songe, et sa tête petite s’incline.

    Un arbuste...

  • La lune mince verse une lueur sacrée,
    Toute une jupe d’un tissu d’argent léger,
    Sur les bases de marbre où vient l’Ombre songer
    Que suit d’un char de perle une gaze nacrée.

    Pour les cygnes soyeux qui frôlent les roseaux
    De carènes de plume à demi...

  • Humblement, tendrement, sur le tombeau charmant
              Sur l’insensible monument,
    Que d’ombres, d’abandons, et d’amour prodiguée,
    Forme ta grâce fatiguée,
    Je meurs, je meurs sur toi, je tombe et je m’abats,

    Mais à peine abattu sur le sépulcre...

  • Été, roche d’air pur, et toi, ardente ruche,
    Ô mer ! Éparpillée en mille mouches sur
    Les touffes d’une chair fraîche comme une cruche,
    Et jusque dans la bouche où bourdonne l’azur ;

    Et toi, maison brûlante, Espace, cher Espace
    Tranquille, où l’arbre fume et perd...

  • Un soir favorisé de colombes sublimes,
    La pucelle doucement se peigne au soleil.
    Aux nénuphars de l’onde elle donne un orteil
    Ultime, et pour tiédir ses froides mains errantes
    Parfois trempe au couchant leurs roses transparentes.
    Tantôt, si d’une...

  • À Henri Ghéon.

    Parmi l’arbre, la brise berce
    La vipère que je vêtis ;
    Un sourire, que la dent perce
    Et qu’elle éclaire d’appétits,
    Sur le Jardin se...

  • Quels secrets dans son cœur brûle ma jeune amie,
    Âme par le doux masque aspirant une fleur ?
    De quels vains aliments sa naïve chaleur
    Fait ce rayonnement d’une femme endormie ?

    Souffles, songes, silence, invincible accalmie,
    Tu triomphes, ô paix...

  • Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
    Entre les pins palpite, entre les tombes ;
    Midi le juste y compose de feux
    La mer, la mer, toujours recommencée
    Ô récompense après une pensée
    Qu’un long regard sur le calme des dieux !

    Quel pur...

  • César, calme César, le pied sur toute chose,
    Les poings durs dans la barbe, et l’œil sombre peuplé
    D’aigles et des combats du couchant contemplé,
    Ton cœur s’enfle, et se sent toute-puissante Cause.

    Le lac en vain palpite et lèche son lit rose ;
    ...