Qu'avais-tu dans l'esprit, maître à la brosse ardente,
Pour que sous ton pinceau la nature en fureur
Semble jeter au ciel une insulte stridente,
Ou frémir dans l'effroi de sa sinistre horreur ?
Pourquoi dédaignais-tu les calmes paysages
Dans la lumière au loin ourlant leurs horizons,
Les lacs d'azur limpide, et sur de frais visages
L'ombre du vert printemps qui fleurit les gazons ?
Il te fallait à toi l'atmosphère d'orage ;
Quelque ravin bien noir où mugisse un torrent
Qui boit et revomit l'écume de sa rage ;
Quelque fauve bandit sur des rochers errant.
L'ouragan qui s'abat sur tes arbres d'automne
Rugisait, n'est-ce pas ? Dans ton âme de fer.
Tu ne te laisais pas au bonheur monotone,
Mais aux transports fougueux déchaînés par l'enfer.
Ce sont tes passions qui hurlent sur tes toiles ;
Toi-même, tu t'es peint dans ces lieux dévastés,
Dans ces chênes tordant, sous la nuit sans étoiles,
Sur l'abîme béant leurs troncs décapités.