Parjure

(Traduit d’Ovide, élégie III ; Amours.)

Comment croirais-je aux Dieux ? Celle
Qui m’a trompé si souvent,
Sur ma vie ! Est aussi belle,
Aussi belle que devant !

Elle garde en son allure
La grâce des premiers jours.
Longue était sa chevelure,
Ses cheveux sont longs toujours.

Son pied, près du mien, se pose
Tout petit, comme autrefois.
Je la connus blanche et rose,
Blanche et rose je la vois.

Ses regards ― ma bouche en grince ! ―
Ont leurs flammes au complet.
Elle était mince ; elle est mince.
Elle plaisait ; elle plaît.

Ainsi donc les jeunes filles
Ont droit de trahir les gens !
Ainsi donc au plus gentilles
Les dieux sont plus indulgents !

Naguère, en ses accolades,
Par nos yeux elle a juré.
Les siens ne sont pas malades ;
Les miens ont tout enduré.

O Cieux, dont rit la cruelle,
Dites-nous par quelle loi,
Quand tout le crime est pour elle,
Toute la peine est pour moi ?

Ou le mot dieu qu’on redoute
N’est qu’un mot sonore et creux,
Ou les Dieux, sans aucun doute,
Sont là-haut très-amoureux.

Quand nous mentons, nous les hommes,
Phébus frémit dans les airs,
Et, sur tous tant que nous sommes,
Fait pleuvoir ses traits amers ;

Neptune enfle la tempête,
Mars prend son glaive inhumain,
Minerve a le casque en tête,
Jupiter, la foudre en main.

Mais les Dieux ont peur des belles,
Des belles aux fronts vainqueurs.
Elles savent, les rebelles,
Qu’ils ont des yeux et des cœurs !

Ah !… si j’étais Dieu moi-même,
Je les laisserais mentir.
Je serais un dieu qu’on aime
Sans crainte et sans repentir !

— Toi, cependant, ma charmante,
Abuse un peu moins des Cieux,
Ou, s’il faut que ta voix mente,
Pitié pour mes pauvres yeux !

Collection: 
1872

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