Notre Langue

Notre langue naquit aux lèvres des Gaulois.
Ses mots sont caressants, ses règles sont sévères,
Et, faite pour chanter les gloires d'autrefois,
Elle a puisé son souffle aux refrains des trouvères.

Elle a le charme exquis du timbre des Latins,
Le séduisant brio du parler des Hellènes
Le chaud rayonnement des émaux florentins,
Le diaphane et frais poli des porcelaines.

Elle a les sons moelleux du luth éolien,
Le doux babil du vent dans les blés et les seigles,
La clarté de l'azur, l'éclair olympien,
Les soupirs du ramier, l'envergure des aigles.

Elle chante partout pour louer Jéhova,
Et, dissipant la nuit où l'erreur se dérobe,
Elle est la messagère immortelle qui va
Porter de la lumière aux limites du globe.

La première, elle dit le nom de l'Eternel
Sous les bois canadiens noyés dans le mystère.
La première, elle fit monter vers notre ciel
Les hymnes de l'amour, l'élan de la prière.

La première, elle fit tout à coup frissonner
Du grand Meschacébé la forêt infinie,
Et l'arbre du rivage a paru s'incliner
En entendant vibrer cette langue bénie.

Langue de feu, qui luit comme un divin flambeau,
Elle éclaire les arts et guide la science ;
Elle jette, en servant le vrai, le bien, le beau,
A l'horizon du siècle une lueur immense.

Un jour, d'âpres marins, vénérés parmi nous,
L'apportèrent du sol des menhirs et des landes,
Et nos mères nous ont bercés sur leurs genoux
Aux vieux refrains dolents des ballades normandes.

Nous avons conservé l'idiome légué
Par ces héros quittant pour nos bois leurs falaises,
Et, bien que par moments on le crût subjugué,
Il est encor vainqueur sous les couleurs anglaises.

Et nul n'osera plus désormais opprimer
Ce langage aujourd'hui si ferme et si vivace...
Et les persécuteurs n'ont pu le supprimer,
Parce qu'il doit durer autant que notre race.

Essayer d'arrêter son élan, c'est vouloir
Empêcher les bourgeons et les roses d'éclore ;
Tenter d'anéantir son charme et son pouvoir,
C'est rêver d'abolir les rayons de l'aurore.

Brille donc à jamais sous le regard de Dieu,
O langue des anciens ! Combats et civilise,
Et sois toujours pour nous la colonne de feu
Qui guidait les Hébreux vers la Terre promise !

Collection: 
1884

More from Poet

Notre langue naquit aux lèvres des Gaulois.
Ses mots sont caressants, ses règles sont sévères,
Et, faite pour chanter les gloires d'autrefois,
Elle a puisé son souffle aux refrains des trouvères.

Elle a le charme exquis du timbre des Latins,
Le séduisant brio du...

La nuit d'hiver étend son aile diaphane
Sur l'immobilité morne de la savane
Qui regarde monter, dans le recueillement,
La lune, à l'horizon, comme un saint-sacrement.
L'azur du ciel est vif, et chaque étoile blonde
Brille à travers les fûts de la forêt profonde....

Derrière deux grands boeufs ou deux lourds percherons,
L'homme marche courbé dans le pré solitaire,
Ses poignets musculeux rivés aux mancherons
De la charrue ouvrant le ventre de la terre.

Au pied d'un coteau vert noyé dans les rayons,
Les yeux toujours fixés sur...

C'est un après-midi du Nord.
Le ciel est blanc et morne. Il neige ;
Et l'arbre du chemin se tord
Sous la rafale qui l'assiège.

Depuis l'aurore, il neige à flots ;
Tout s'efface sous la tourmente.
A travers ses rauques sanglots
Une cloche au loin se...

 
À Mme C. P.

La jeune mère, avec son fils, sur le gazon
Du parc vient de humer la brise printanière.
Le soleil moribond de sa lueur dernière
Empourpre vaguement le bord de l’horizon.

À peine le baiser du vent met un frisson
Dans les...