C'est un après-midi du Nord.
Le ciel est blanc et morne. Il neige ;
Et l'arbre du chemin se tord
Sous la rafale qui l'assiège.
Depuis l'aurore, il neige à flots ;
Tout s'efface sous la tourmente.
A travers ses rauques sanglots
Une cloche au loin se lamente.
Le glas râle dans le brouillard,
Qu'aucune lueur n'illumine...
Voici venir un corbillard,
Qui sort de la combe voisine.
Un groupe, vêtu de noir, suit,
Muet, le lourd traîneau funèbre.
Déjà du ciel descend la nuit,
Déjà la route s'enténèbre.
Et toujours du bronze éploré
Tombe la lugubre prière;
Et j'entends dans mon coeur navré
Tinter comme un glas funéraire.
Je me souviens... Je me revois,
Sur le blanc linceul de la terre,
Dans la bise, en pleurs, aux abois,
Suivant le cercueil de mon père.
Je ne puis détacher mon oeil,
Voilé d'une larme dernière,
Du silencieux groupe en deuil
Qui marche vers le cimetière.
Je sens, saisi d'un vague effroi,
Qui me retient à la fenêtre,
Qu'en la marche du noir convoi
Fuit quelque chose de mon être.
Soudain dans le champ de la mort
Disparaît le sombre cortège...
C'est un après-midi du Nord.
Le ciel est blanc et morne. Il neige.