La veillée

À mon ami Victor Hugo.

Mon ami, vous voilà père d'un nouveau-né ;
C'est un garçon encor : le Ciel vous l'a donné
Beau, frais, souriant d'aise à cette vie amère ;
A peine il a coûté quelque plainte à sa mère.
Il est nuit ; je vous vois... à doux bruit, le sommeil
Sur un sein blanc qui dort a pris l'enfant vermeil,
Et vous, père, veillant contre la cheminée,
Recueilli dans vous-même, et la tête inclinée,
Vous vous tournez souvent pour revoir, ô douceur
Le nouveau-né, la mère, et le frère et la soeur
Comme un pasteur joyeux de ses toisons nouvelles,
Ou comme un maître, au soir, qui compte ses javelles.
A cette heure si grave, en ce calme profond,
Qui sait, hors vous, l'abîme où votre coeur se fond,
Ami ? qui sait vos pleurs, vos muettes caresses ;
Les trésors du génie épanchés en tendresses ;
... Vivez, soyez heureux, et chantez-nous un jour
Ces secrets plus qu'humains d'un ineffable amour ! [...]

Collection: 
1837

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  • À mon ami Victor Hugo.

    Mon ami, vous voilà père d'un nouveau-né ;
    C'est un garçon encor : le Ciel vous l'a donné
    Beau, frais, souriant d'aise à cette vie amère ;
    A peine il a coûté quelque plainte à sa mère.
    Il est nuit ; je vous vois... à doux bruit, le sommeil...

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