XII
O poëte ! je vais, dans ton âme blessée,
Remuer jusquâau fond ta profonde pensée.
Tu ne lâavais pas vue encor, ce fut un soir,
A lâheure où dans le ciel les astres se font voir,
Quâelle apparut soudain à tes yeux, fraîche et belle,
Dans un lieu radieux qui rayonnait moins quâelle.
Ses cheveux pétillaient de mille diamants.
Un orchestre tremblait à tous ses mouvements
Tandis quâelle enivrait la foule haletante,
Blanche avec des yeux noirs, jeune, grande, éclatante.
Tout en elle était feu qui brille, ardeur qui rit.
La parole parfois tombait de son esprit
Comme un épi doré du sac de la glaneuse,
Ou sortait de sa bouche en vapeur lumineuse.
Chacun se récriait, admirant tour à tour
Son front plein de pensée éclose avant lâamour,
Son sourire entrâouvert comme une vive aurore,
Et son ardente épaule, et, plus ardents encore,
Comme les soupiraux dâun centre étincelant,
Ses yeux où lâon voyait luire son cÅur brûlant.
Elle allait et passait comme un oiseau de flamme,
Mettant sans le savoir le feu dans plus dâune âme,
Et dans les yeux fixés sur tous ses pas charmants
Jetant de toutes parts des éblouissements !
Toi, tu la contemplais nâosant approcher dâelle,
Car le baril de poudre a peur de lâétincelle.
26 mai 1837